je suis venue au monde dans la peur et l’angoisse de la guerre. J’ai débuté comme tout le monde. J’ai suivi docilement toutes les étapes. Je suis allée à l’école à cinq ans. Chez les soeurs. J’ai bu la parole de Dieu. J’ai tenu consciencieusement le carnet de mes péchés. J’ai introspecté tout, tout le temps. Je ne me suis pas opposée. J’ai avalé, j’ai avalé, j’ai obéi . J’ai été dans les clous. n’ai jamais craché. J’ai hésité. J’ai cherché. Suis rentrée dans un moule. L’ai construit. Je suis rentrée en moi et pas ressortie. J’ai prié. J’ai travaillé. Révisé, révisé beaucoup. J’ai passé le baccalauréat trois fois. J’ai insisté. J’ai voulu entrer au couvent. J’ai voulu sauver le monde. Je me suis perdue. J’ai pleuré. Me suis introspectée sans fin. Je n’ai pas eu accès aux autres. Je n’ai pas le mode d’emploi. Pas trouvé.
Et puis ma deuxième naissance. J’ai aimé beaucoup. J’ai eu des enfants beaucoup. Je suis sortie hors de moi. J’ai fait. Enfin. J’ai agi. Bougé, parlé, chanté. J’ai été remplie de joie. J’ai passé le permis sept fois. J’ai épuisé mes réserves. J’ai tenu bon. J’ai plongé. J’ai émergé. Suis retombée. J’ai balancé des chaises dans les murs de la cuisine. J’ai crié. J’ai pleuré. J’ai hurlé de rage, de douleur. J’ai avalé longtemps. Je ne peux pas accepter que mes enfants soient touchés durement. Que l’un d’eux coule direct. J’ai trouvé lentement très lentement comment relever la tête. J’ai perdu mon compagnon. J’ai perdu mon bâton. J’ai perdu ma vie.
Je connais ma troisième naissance. Je marche. Marche beaucoup. Marche vite.Je marche hors les clous. Je cherche hors les clous. Je trouve un hors-norme. Je trouve un perdu. Je trouve un fou. J’aime sa folie. Je sens la liberté, la fantaisie. Je chante avec lui. Je pars sans lui. Je reviens vers lui. Je suis adolescente pour la première fois de ma vie. Je le perds de maladie.
Je vis une quatrième naissance. J’apprends tout le temps. Reste un peu la même malgré tout. Encore encore j’apprends. Le mode d’emploi se précise. La joie revient. Voilée, en sourdine, mais elle est là. Plus sereine. Je suis un peu déjà dans la mort mais vivante.
courage, honnêteté, persévérance, je vous reconnais dans ce beau texte. Petit à petit au fil des textes, on reconnaît une voix; la vôtre est vraie et me plaît beaucoup.
Merci, daniele. Vous me faites plaisir. Vous prenez le temps de lire beaucoup des propositions ? j’y arrive un peu plus aussi maintenant. Heureuse de lire que ma voix vous plaise. Merci.
Non, je ne prends pas le temps de lire beaucoup de propositions. Juste quelques voix qui m’ont accrochée et puis de temps en temps au hasard des dernières parues.
C’est une méthode bâtarde, mêlant suivi et choix aléatoire, et je ne commente que lorsque ça me plaît.
Et puis entre nous il y a une histoire qui me poursuit.
naître est un long processus
Oui, un long processus, plus rapide chez d’autres! merci Philippe.
on aime à vous suivre
merci, Piero, vous me touchez. J’ai beaucoup de mal à trouver les mots justes !
Naître, renaître, marcher dans le clous, sortir des clous, tomber se relever… J’ai beaucoup aimé votre texte plein de vie
merci, Muriel, ça encourage toujours d’avoir un retour.Je vais aller voir vos textes. Merci.
« Quatre naissances ou plus » naître re-naître plutôt que mourir quelle force. Avez-vous essayé d’écrire votre texte à l’infinitif ? Je trouve les infinitifs encore tellement plus justes plus vrais dans leur justesse que
on a envie de le faire
merci, Cécile. je vais essayer à l’infinitif, mais pas tout de suite. Cet atelier me passionne, mais j’ai du mal et je suis en train de me mettre en retard.
quatre naissances ! Trop fort en ai-je autant à mon actif (la vilaine jalouse), oui je crois, à beaucoup se casser la gueule, on finit par apprendre à marcher , c’est la dure et bonne loi de l’existence dont votre texte témoigne sans détours, j’aime beaucoup le « j’ai balancé des chaises dans les murs de la cuisine » rien que de le lire, ça me ravigote !
Catherine, il est chouette votre commentaire.je n’ai pas fini de lire vos textes, ils m’intéressent beaucoup. Vous y êtes drôle et triste aussi, beaucoup. Je vous embrasse.
ah merci, alors vous me direz ?
Qu’ajouter ? J’aime beaucoup votre texte, son parfum de vérité, ce chemin qui s’infléchit et se recrée. Oui ! sans doute plus de quatre ! Merci à vous Simone Wambeke