Verre de vin coupé à l’eau, pour enfants. En rentrant, clapiers odorants, odeur familière des cours fermées qui retiennent, mêlées , les effluves de fumier, de foin et de farine, ces relents sourds et substantiels qui habitent la cour de ferme. Verre Arcopal® à numéro, renverser le verre pour se donner un âge, après avoir bu le vin coupé à l’eau, pas de sirop dans l’armoire, que le rouge, ça fera bien pour les enfants, avec l’eau. Table en formica bleue, verre de vin sans pied, rouge, comme la face du paysan au Marcel blanc et bleu de travail, toujours la même tenue. L’enfant ne se demande pas s’il en change, elle serait même peut être perdue de le voir endimanché. Bleu de travail, verre de rouge, table en formica et crottes de lapin.
L’eau ruisselle dans le chemin, celui qui ne sèche jamais, imbibé été comme hiver par les rejets verdâtres de la stabulation, éternel magma de boue, de bouse et de pisse de vache. Odeur trop forte de lait frais et d’ensilage, coin de l’arrière, qui déverse en silence son trop plein sans scrupules, dans le petit chemin, derrière les orties et les ronces. Envers du bloc à traire. Les filles du coin ne sont pas effrayées par la fange.
Cour bétonnée à la va-vite, fissurée, tâches de sang séché, celui du cochon, pendant qu’il saigne le portail rouge est fermé, après, c’est bon, le sang peut sécher sous les regards d’enfants, des visages se dessinent, animés par la perception innocente des yeux qui ne voient pas la douleur, qui n’entendent pas les cris de la bête qu’on saigne sans scrupules. Il ne reste que des bonhommes rouges qui décoreront jusqu’aux prochaines pluies, les coins de la cour bétonnée et fissurée.
Les meurtrières de la cave filtrent le jour. Juste un petit trait, la cave n’a pas besoin de respirer à grandes bouffées. Elle ronronne dans son opacité, n’expire qu’à travers les petites meurtrières, ces petites bouches d’ombre qui suffisent à exciter l’imagination, à penser qu’on pourrait se placer au creux de la terre battue, un pistolet à la main, et tirer, faire meurtre, c’est à ça que servent ces fenêtres sans carreaux, ces petites fentes respiratoires par lesquelles seuls les chats sans nom se glissent, parfois, la nuit, en hurlant, comme si on les avait tués.
C’est beau ! Merci !
Oh merci Jérémie !
Quatre coins et une lecture qui m’a beaucoup beaucoup plu.
Merci pour ce commentaire également très plaisant…à bientôt !
C’est magnifique, Marie-Caroline. Merci !
Oh merci Isabelle je suis touchée