#1 | Une pomme de PAIN, de PIN.
D’emblée, un lapsus, un A s’immisce là où il n’a rien à faire, mais vraiment rien. Une femme écrit, porte de cuisine ouverte, la ratatouille d’été y mijote jusqu’au soir. C’est dimanche, faire plaisir. Désuet ?
Une toute petite pomme de pin, ramassée, glissée dans une poche, conservée. Les poches du promeneur se remplissent parfois de trophées oubliés. Trace un peu lointaine de grandes ballades dans les forêts de pins. Dissymétrie de l’espace forestier, la hauteur des pins et de l’ objet. Non pas objet, vivant, fruit de l’arbre. Conservé au fil des déménagements. Anodin, pas tout à fait. Bout d’histoire d’un territoire. Forêt landaise, conquête sur les marais. Plantés, exploités, les pins ne vivent jamais très vieux. Bout d’histoire familiale, un village où les femmes veuves de guerre sont toutes en noir. Et Histoire tout court, dans cette région longtemps méprisée, loin des ors de Versailles, la rébellion se transmet de générations en générations. Le monument aux morts du village représente un soldat couché sur le sol, seul et sans gloire. Se souvenirs des siens, tous ceux qui n’ont pas eu le temps de vivre ici. Familles éclatées, bringuebalées. Raconter dans les soirées familiales, donner un peu de valeur à l’effritement du temps. Raconter, redonner un peu de vie.
#2 | Une pomme de pin , forme arrondie sur sa base aplatie, des écailles serrée puis ouvertes vers son sommet , une architecture plus savante qu’il n’y parait , un équilibre entre les écailles ouvertes et la forme en pyramide, large sur sa base, effilée vers le sommet . Un petit sommet, mais un sommet. Si nul prédateur ne passe, gardera toutes ses écailles et sa forme initiale.
#3 | Sol sableux, bruyères, fougères, et sécheresse souvent. Récolter la résine des pins. Les résiniers, dans la mémoire des grandes forêts landaises, symbolisent pauvreté, isolement, un métier de vagabond, d’abandon de soi- même ou délaissé par les autres. Les cicatrices des pins pleurent leur résine. Et les hommes ?
#4 | Pomme de pin humble et modeste, ancrée dans un territoire, ingrat pour ceux qui y demeurent, exotique pour ceux qui ne font qu’y passer, l’ « estivant » est un bipède étrange. On migre beaucoup de cette région vers la capitale avec toujours au ventre l’espoir du retour. Et si possible, fortune faite. Il se peut même qu’on embarque vers des contrées beaucoup plus lointaines, au-delà des océans. Une pomme de pin, dans le fond d’une poche, même trouée, est comme une promesse de retour, un lien indéfectible. Des traces de ces aventuriers subsistent. On découvre parfois au détour d’un jardin une plante venue d’autres contrées, qui fait la fierté de la propriétaire du jardin. Les hommes naviguent, les femmes cultivent.
#5 | Les pommes de pins voyagent aussi. Et voilà pourquoi dans un appartement parisien, on trouve un grand panier en bois de noisetier tressé à la main, rempli de pommes de pin. Les femmes ne cultivent plus, elles écrivent.
quelle belle évocation d’une humanité déshéritée derrière cette simple pomme de pin (sans pignes ?). Fait le lapsus aussi les doigts goulus tapent « pain » !
Houps ! Je n’avais pas vu le commentaire. Merci Catherine