LEPORELLO exercices devant le miroir, murmures, articulations , attaques sur « LE» légèrement souriant, à peine, « LLO », finale plus accentuée, bien faire sonner la double consonne et le « O » bien moelleux et détaché, recommencer en glissant sur les deux syllabes médianes « PO, RE », aimer les mots chantants , les mots rares, les mots exotiques, et l’objet LEPORELLO déniché dans une galerie dédiée à l’art de la calligraphie, pinceaux, encre, papiers, la vitrine des LEPORELLO immobilise, joie, que faire d’un si bel objet sans l’affadir, le dénaturer , sa structure interdit les repentirs, une fois commencé, aller jusqu’ au bout d’un trait unique et assuré, entre LUI, l’œil et la main commencent une négociation âpre, une tension nécessaire, un empilement d’ajustements , voir un chantage plus ou moins honnête ou plus ou moins vil, comment régler la focale sur ce format si particulier du LEPORELLO « bel objet, cher LEPORELLO accepterais-tu par exemple des collages, et une palette de coloris dignes de Fortuny, à la hauteur de ton raffinement ? », LEPORELLO s’abstient de toute réponse, un aristocrate ne peut converser avec n’importe qui , surtout quand n’importe qui, pauvre manant, ne s’est même pas présenté, bien mal parti pour une rencontre unique, relire attentivement Goldoni, ne pas négliger les subtilités qui régissent l’entregent, pardon, parler aux objets maintenant ? Non, réfléchir à voix haute, convoquer pour cet objet rare, LEPORELLO une collection d’images, de formes ébauchées, de tracés impétueux, un autoportrait en forme d’abécédaire par exemple , 26 entrées, nettes, claires , au temps du marketing effréné, écœurant, dégoulinant, mensonger, un peu de mesure n’est pas pour déplaire, un peu d’ordre aussi, ne pas commencer par Z, laisser aller en roue libre, pas trop sérieusement, voir ce qui vient , prendre son temps, se souvenir à nouveau des abécédaires de l’enfance, illustrés des deux silhouettes d’enfants, les héros de chaque histoire, Rémi et Colette, d’un premier amoureux qui s’appelait Rémi, chercher, mettre en valeur LEPORELLO, en déplier totalement toutes les pages, ou bien en partie ou bien encore soigneusement le refermer avec le fermoir en ivoire , pratique , anachronique, jouer avec le pliage des pages et des formats possibles, le déplier serait mieux , contrastes des formes, des couleurs, des matières, percevoir un début d’unité, des correspondances entre les traces déployées, une force unique, une expression propre dans cet instant-là , travail tout à la fois d’habileté manuelle et de création, de composition et d’équilibre, LEPORELLO ni reproductible , ni manufacturable, LEPORELLO unique dans la rencontre qui se fait entre le soin et l’assemblage des matériaux qui le constituent et le soin que prendra son concepteur , d’abord pour l’imagination déployée , les mises en formes des intentions, les créations, esquisses, brouillons, maquettes ; les décisions s’imposent, au fil de chaque instant – ne pas relâcher la tension à l’œuvre – le soin du trait, du motif retenu pour ce format-là, écritures, dessins, collages, encres, couleurs, simplicité contre baroque, épures , élaguer , toujours, équilibrer les traits, les volumes, les creux , les plein , les vides, encore et toujours , mais rester centré dans la composition, un équilibre entre main, bras, corps, souffle et les tracés sur le papier, ni trop, ni trop peu, une INSPIRATION, la main s’élève, EXPIRATION, la main se pose et dépose un tracé ferme et léger, un tracé unique, LEPORELLO s’anime de couleurs, de formes, jusqu’ au bout du souffle.