c’est un propos de konstantin peterzhak . encore un . c’est extrait du volume 24 des propos qu’il tient au jour le jour à l’époque soviétique . cette fois c’est à moscou . dans la rue . dans le grand froid . tard le soir . cette fois c’est à propos de ses femmes et de ses hommes de cœur . des bouts de femmes des bouts d’hommes qu’il porterait en lui et qui l’auraient fait. c’est en réponse à ce que vient de dire olga bouchoueva . son amie et collègue olga bouchoueva . une fois de plus c’est georgy flyorov qui transcrit . une fois de plus il est impossible de dire ce qui revient à peterzhak ce qui revient à flyorov . la part de réel la part d’invention . c’est une galerie de portraits . le titre est de moi . le volume 24 s’intitule quant à lui CONSIDÉRATIONS SUR LE NEZ DES CHIENS ET LE NEZ DES RATS . ce titre est de flyorov . il rapporte un voyage officiel à moscou . un voyage en voiture . konstantin peterzhak n’arrêtant pas de dire . comme à son habitude . konstantin peterzhak tenant des propos . comme à son habitude . c’est au retour à l’instant de rentrer à Dubna qu’il dit :
Me taire ? Me taire ? Non. Tu n’y penses pas, Olga Bouchoueva ? Tu n’y penses pas ? Qui, sinon, qui se rappellera Rapaugie Doudouce ? Ninie Manne ? La femme qui vend des boules sûres ? Yeux noirs et ongles bleus ? La femme qui fait dans les postures ? Celle qui dégomme les insectes à la seringue ? Celle qui dégomme une mouche à la seconde ? La rayée des fesses ? L’écumeuse de bouillon ? La bouffée par la vie ? La bouffie d’alcool ? La rêche au toucher ? Tavelure et tavelée ? La douceur de vivre ? La femme sans pelure au jardin ? Cuite et recuite ? Cutè peûre ? Massales de couarbau ? Peuteute gueuye de sédje ? L’entrouverte ? La béante ? Ou Blanc Cul ? Celle qui repousse l’ennemi à coups d’épaules nues, de chèvre et de bâton ? Bouche tordue quand elle se vexe ? L’étirée du bidou ? Ventre au vent ? Petite betterave rare ? L’assommée par la vie ? La gommée ? L’éternelle oubliée ? L’écrémeuse ? Celle qui ne jure que par ses goûts ? Celle qui ne pense que par ses goûts ? Crinière au vent ? L’amour de ma vie ? Cette garce de garçonne ? L’ampleur et l’amplitude ? Celle qui grince des hanches ? Celle qui n’est jamais discrète ? Celle qui se fait entendre ? La grossière merlette ? L’épouvantable petite en taille ? La coupée en deux ? La retour en grâce ? L’éplorée ? La déplorée ? Retour d’âge ? Celle qui s’époumone ? L’affublée d’une dent verte ? La caustique mystique ? Celle qui ne jure que par dieu ? Celle qui ne jure que par terre ? Hitch et Hantche ? L’éclopée ? Celle qui se cogne contre les tables ? Celle aux bleus tout partout ? Pète au vent ? Ou Joli poil ras coupé en brosse ? L’extrêmement mangeable ? L’intensément dégustable ? La recluse ? La retirée pour un temps ? Beau bébé ? La soi-disant vide ? La soi-disant dépourvue ? La sans rebond ? L’écorchée vive ? Le doublon de la Madone ? Le doublon d’Ekaterina Kratochvilova ? Chasse gardée ? La ténébreuse épilée ? La tatouée du cou ? Celle qui tord les corps ? Celle qui ploie et déploie ? D’ventrée ? La célèbre trieuse de haricots ? La déploreuse du temps qui passe ? La blinquante ? La gourmande mendiante ? Celle qui passe des heures le cul sur le trottoir ? Celle qui traverse les choses, les êtres et les choses, sans rien remarquer ? Oreille de dïal ? Oreille mauve ? Court-bouillon ? Crevette grise et rosse ? La couenne ? Celle qui voudrait qu’on lui dise il ? Celui qui pensait qu’il était elle ? Dïal è couar ? Eau trouble ? Eau limpide ? Eau usée ? Saint repoussoir ? Double téton ? Celle dont les biceps pendent ? Celle aux bras touchant terre ? Celle aux longs bras de singe ? Double menton ? La dorée adorée ? La brise-lame ? La cul nul sous un short ? La pisse-froid ? Nez gorge oreille ? La cage dorée ? L’ampoule de ma vie ? L’ampoulée ? La pelouse sauvage ? Petit bifteck ? Grandes jambes ? Cuisses de Cubaine ? La tarentule ? Fournaise ? Dessous de bras ? Cuir ? Genoux de mouche ? Fémur ? Souffle court ? Cube ? Incurvée ? Tavelure sèche ? Tavelure humide ?
Muscade et Muscadet ? Fifille ? Mégot éteint avec yeux bleus tellement pâles qu’ils ouvrent sur le néant ? L’horrifik Frigorifik ? Le déjà refroidi ? L’homme entourloupe ? Celui qui ne regarde jamais dans les yeux ? L’enfer sur terre ? Celui qui danse seul une passoire sur la tête ? Chalée patte ? Froufrou ? Face de chien ? Face de rat ? L’absent ? Le ravisseur de belles paroles ? Celui qui n’existe qu’en photo ? Moustache de lait ? Celui qui n’existe qu’en uniforme ? Grosses mains velues sur genoux noirs ? Poil de lapin ? Yeux noirs tellement noirs qu’ils ouvrent sur l’univers ? Le poseur en ceinture ? Boucles épaisses ? Andy et Anda ? Vamonos ? La nonne espagnole ? La non espagnole ? La tourneuse d’espagnolette ? Cache Misère et Gâte Sauce ? L’exemple parfait ? La tête ? L’enjoliveur ? Parade ? Poitrail et Poitrinaire ? La grâce ? La sainte madame ? L’éclairci tout petit ? Vermicelle ? Vermisseau ? La merveille vermeille ? Le disparu sitôt qu’aperçu ? Vieil os ingrat ? Peau de chagrin ? Bisbille et Pécadille ? Les jumeaux trousseau ? Les jumelles troussées ? Le gouffre ? Bon appétit ? Poussière et Poutrelle ? Miséricorde ? Le grand mouroir ? Celui qui ne fait pas dans la dentelle ? Le dentelé ? La dentelure ? Dent creuse ? Celui qui a du hachis dans la tête ? Celui à la tête hâchée menu ? Petite cervelle d’oiseau rare ? Le sale Vanmerbeeck ? Celui à la voix de propret ? Celle qui nettoie les bouches à la salive ? Elle imbibe un coin de mouchoir de salive. Elle frotte ensuite énergiquement les restes. Ce qui colle aux commissures des lèvres. Le chocolat chaud et sec. La soupe aux poireaux. Le café. La mayonnaise. Tu la connais ? Tu la connais Olga Bouchoueva ? Celle qui débouche les choses à coups de seau d’eau ? La capitaine ? La coupeuse de tête ? L’étêtée ? L’édentée ? L’écornifleuse ? Celle qui fait battre mon cœur ? Pourquoi les taire ? Olga Bouchoueva ? Pourquoi les taire ? Ils sont là et bien là mes hommes de cœur. Elles sont là et bien là mes femmes de cœur. Ils sont moi. Elles m’ont fait. Ils me font. Elles sont moi. Ils m’ont fait. Elles me font. Tu comprends ? Olga Bouchoueva ? Tu comprends ? Tu comprends ? Dit Konstantin Peterzhak.
C’est à Moscou. Le 18 décembre. Dans la rue. Tard le soir. Dans le grand froid. Tandis que nous hâtons le pas. Désireux de trouver. Au plus vite. Tous les trois. Quelque chose. Un snack. Une brasserie. Un lieu où manger avant de reprendre la route. Avant de rentrer à Dubna. Au centre atomique. Avant de regagner nos chambres. Nos rêves et nos chambres.
C’est beau comme un album Panini !
haha ! oui, hein ? mais le tout est de savoir quel album panini : celui du championnat du monde de foot, celui des JO d’hiver ou d’été, celui des chromos de la vie sauvage menacée de disparition prochaine, celui de blanche-neige ou de jumbo l’éléphant ? le doute m’étreint subitement !
Si je peux me permettre, je dirais que c’est l’album que la tatouée a partout sur le corps, et c’est dommage qu’on ne voit que le buste. Sinon, j’aime bien cette espèce de ligne brisée qui ne se départ pas de sa conduite d’un atelier à l’autre. Et elles viennent d’où ces photos d’un autre âge (en dehors de la tête de Konstantin) ? Merci.
Hé ! Belle idée, ça, que l’album Panini soit composé des vignettes des tatoos que la tatouée a sur le corps ! Belle piste à suivre, merci du conseil, merci pour ce retour ! Sinon : les photos d’un autre âge viennent d’albums trouvés sur le net : il y a un paquet de vieilles photos qui traînent un peu partout. Belle journée à vous, Will !
J’aime beaucoup « la capitaine » ! Ça m’a fait penser à « la chevalier » dans le Quichotte de Katy Acker. Avoue : Konstantin c’est la beat generation russe ! (dit celle qui attend toujours la vidéo sur ce que Burroughs fait de son chaos, ahah !)
haha ! avais pensé à plein d’autres, oui, mais pas à Katy Acker ! je ne connais pas son quichotte ! merci pour cette nouvelle piste de lecture ! burroughs, quant à lui, attendra encore un peu !
Bravo, très chouette texte! J’aime cette adresse directe, le rythme et le foisonnement des images.
merci merci ! je me demandais, justement, si tout cela n’était pas trop « sec », si tous ces noms engendraient ou non des images… bin, voilà, en tout cas, ça en engendre chez vous ! haha ! c’est déjà ça !
… et cette marée de femmes qui continue à monter, monter – sur cette intonation ascendante – et renouvelante – d’interrogations ! Chacune est un ouvroir à elle toute seule – avec celle qui me laisse un peu perplexe que les autres : « la d’ventrée »… mais peut-être que je ne l’ai jamais croisée celle-ci !
haha ! peut-être que, qui sait ?, vous avez croisé « la d’ventrée » sous son autre nom : « la cache-poussière » ? grand merci pour le « chacune est un ouvroir à elle toute seule » : c’est vraiment ainsi que je me suis à écrire, en faisant le pari, en somme, que, ci et là, les noms et surnoms suffiront à faire silhouette… j’imagine qu’au bout du compte, il y a des silhouettes qui demeurent très très obscures mais aussi que, de temps en temps, l’une ou l’autre sont (un peu) lumineuses ou (un peu) moins floues (j’espère, en tout cas) ! bien à vous et grand merci pour ce retour !
Je relis pour le plaisir au hasard : je tombe sur « l’amour de ma vie ? » – bien reposante celle-ci à côté de toutes les autres, au moins on sait à peu près ce qu’elle ouvre 😉 !
Celles et ceux qu’on mâche quand on les lit. (Qui sont comme une foule aussi). J’aime!
merci merci pour le commentaire ! oui, je me disais exactement la même chose : cette litanie de noms et de surnoms, ça fait foule ! belle fin d’après-midi !