Une chaine
C’est une chaîne. Elle barre l’entrée de la contre-allée, en bas de mon immeuble. Une « mauvaise » chaîne, usée, abimée ; des traces de peinture par endroits, des anneaux souvent emmêlés. Elle est fixée d’un coté près de la pelouse, de l’autre elle se termine par une barre qu’il faut faire tenir droit, dans un trou aménagée pour cela, de l’autre coté de l’allée.
Une entrée. Barrée.
Pour se garer dans la contre-allée, il faut descendre de voiture, l’enlever, la ramener sur le coté, faire passer la voiture, et la remettre après son passage. J’ai souvent remarqué, quand je déplace la chaine, les traces qu’on laissé les anneaux en traînant par terre. Comme les vagues qui raclent lentement les rochers.
Une chaîne, symbole du « chez nous », du « laissez libre la contre-allée », source de pénibles palabres lors des assemblées de copropriétaires.
Une chaîne qui n’est pas une frontière, plutôt une interdiction, un rappel à l’ordre, une chaîne qui ne relie pas, mais qui impose, une chaîne qu’on l’on traîne avec soi, pour rappeler que nous faisons partie d’un même immeuble.
Et quand, lors d’un passage à pied, je la vois traîner par terre, la chaîne pas en place, c’est comme si j’entendais le chœur des habitants m’interpellant « la chaîne, la chaîne, la chaîne, à remettre en place ! ». Et moi, je passe, bêtement, même pas effrontément, parce que je n’ai jamais compris pourquoi on voulait s’enfermer de son propre chef.