#anthologie #prologue | sang rouge

j’ai commencé par mettre Echoes puis j’ai baissé le son
j’ai regardé derrière moi, j’ai compté, j’ai toujours quelque chose à compter

des comptes à rendre ou à régler

il ne s’agit pas de poésie il s’agit d’aller à la ligne j’ai regardé ça fait vers début septembre

cinquante-deux
quand vient la fin de l’été dit la chanson

quand le morceau s’arrête je cesse je n’écris qu’au clavier ou alors sur des bouts épars de papier un journal, le haut d’un tract, la demande de services
je suis allé voir le journal – il existe un kiosque coin Saints-Pères/Saint-Germain où on trouverait l’exemplaire du jour de sa naissance, celui du jour de sa conception – à peu près on ne va pas pinailler avec trente-six semaines ou quarante j’en sais rien – les mouvements de la lune – les cycles, quoique cette part de la biologie soit évidemment déterminante – je me souviens de ce moment-là, celui où elle m’a dit « le jour où j’ai su que j’étais enceinte de toi, j’ai pleuré » je m’en souviens comme d’hier, je la revois assise sur le fauteuil à l’assise de paille du coin de sa chambre – de toute évidence ils (ou elle seulement : dans ces cas-là, la responsabilité est rarement partagée) avaient mal calculé, on ne m’attendait pas, on a quand même réussi à se persuader qu’il fallait me laisser arriver là – cette vallée de pleurs et de larmes et de sang – blood sweat and tears et par dessus le marché ce que prédisait Churchill no sport à ses compatriotes et leurs alliés

Votre bébé sera considéré comme à terme à partir de 37 semaines et pourrait naître n’importe quel jour dans la période qui va de 37 à 42 semaines après votre dernière menstruation. La majorité des bébés naîtront entre 39 et 41 semaines.

Au mois de mars de l’année suivante le petit père des peuples cassait sa pipe – on avait très peur qu’une guerre atomique ne se déclenchât et que, sur les décombres de ce conflit fatal, ne naissent des êtres difformes et contrefaits – l’humanité, elle-même, abrutie et décomposée

l’une de mes héroïnes favorites, STGME2 avait accédé à la couronne, était-ce cet avril-là ou le précédent, je ne sais plus (et ce m’est égal) mais j’apprends que des attentats avaient lieu durant ces mois-là dus à une organisation secrète mais qui n’en est pas moins abjecte qu’on connaît sous le nom de la main rouge (une main de fatma dessinée en rouge sang – ça me rappelle quelque chose) cette main qu’on colle sur son front ouverte paume vers le mal et toute cette superstition qui entoure toutes ces années africaines

dis-moi, de quoi vas-tu parler ? à présent, c’est le concert à Cologne en improvisation : c’est après, bien après, soixante-quatorze ou quinze, au cinéma de la place de la Contrescarpe, il n’existe plus, on avait mangé des gâteaux à l’huile, le type en rapportait dans son camion TIR, deux mille un – chercher trouver revenir rechercher retrouver

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

18 commentaires à propos de “#anthologie #prologue | sang rouge”

  1. C’est beau cette imprécision, ce flou, « à peu près on ne va pas pinailler » et le souvenir précis « le jour où j’ai su que j’étais enceinte de toi, j’ai pleuré » je m’en souviens comme d’hier.
    et merci pour Echoes que j’ai réécouté à la lecture…

  2. Te lisant je me (re)dis (mais si fort cette fois que je le note) : c’est quand même drôle de pouvoir être simultanément enceinte d’un homme et d’un enfant… dans le temps on disait enceinte des œuvres de trucmuche (nom du genereux géniteur) pour éviter la confuse. À présent, on finit à peine les mots et puis, (tu vois, hein?), on se persuade qu’on s’est compris comme en Algérie…

    • @Emmanuelle Cordoliani : les tours de passe-passe des mots et des phrases… un vrai bonneteau, hein… Merci à toi

    • un bien beau terminus – Venise, pour une piétonne hein…Merci à toi

  3. je me demande, est il préférable d’être né d’une erreur ou d’avoir été un miracle passant ensuite au rang de « bon c’était un essai » quand les miracles suivants sont arrivés…
    savaient pas que l’erreur était bienvenue et prometteuse

    • @brigitte celerier : je pense qu’ils avaient d’autres préoccupations (après tout, il s’agissait du quatrième : le pli avait, en quelque sorte, été pris) Merci à vous Brigitte

  4. « Quand j’ai su… j’ai pleuré  » J’ai entendu une fois dire de joie… être voulu ça augure pas forcément du meilleur. On a le choisi (est-ce qu’on choisi vraiment) il y a tellement de jours à décompter avant de mettre au jour. Echoes ça accompagne vraiment bien la lecture de ton texte : « chercher trouver revenir rechercher retrouver » oui c’est ça et « la photo est belle »

    • @Nathalie Holt : en vrai, elle avait déjà deux jumelles de un an et demi et un aîné de deux et demi – ça commençait à faire lourd – enfin elle m’aimait bien (le petit dernier si tu veux) – merci à toi

  5. J’écoute Echoes en te lisant, et plus rien n’a d’importance que cette affirmation « le jour où j’ai su que j’étais enceinte de toi, j’ai pleuré », parce que cela fait justement un écho assourdissant. Merci, Piero, pour cette belle introduction aux 40 jours !

    • @Marlen Sauvage : la musique est une merveille en elle-même, remarque…Merci Marlen

  6. Toujours cette belle singularité dans ton écriture.
    J’aime ce mélange entre musique, lien à l’actualité, et puis cette naissance, inattendue, et il fallait malgré tout se persuader de laisser venir.
    Bel ensemble.
    Et me voilà en train d’écouter Echoes, merci pour la découverte.