J’ai été conçue comme un désir après la mort.
J’ai été conçue sans le vouloir. Je ne devais pas naître. Elle ne voulait plus.
Je suis née un jour de neige, le cordon autour du cou. Mes cheveux en boucles collés sur le crâne j’ai crié pour me faire entendre de la vie. J’ai glouglouté par les narines des odeurs piquantes inconnues. Je me suis saluée maladroitement de mes mains. Suspendue par les pieds j’ai reçu une fessée. Un chaos de sensations sous une lumière aveuglante dessinant des formes mouvantes à mes yeux sans défense. Des sons tantôt aigus tantôt graves se chevauchaient. Des mains parfois douces parfois brusques me manipulaient.
Deux prénoms déjà appartenus, chargés d’histoire, un nom, celui d’un homme porté disparu… une erreur sans nom.
Dans une campagne lointaine, sucer un biberon le tenir seule, chercher le regard de l’absente, babiller quelques sons qu’elle n’entendra jamais.
Ramper sur le sol dur à la texture rugueuse contre la paume des mains pour vite se lever, découvrir le pas hésitant, où s’accrocher pour se hisser des doigts électriques sans hésiter et participer au jeu du monde. Sentir la caresse d’un rayon de soleil à travers la vitre. Dedans dehors tomber pleurer se relever toujours. Goûter la terre crisser sur les premières dents. De mes gencives dures croquer un fruit sucré acide.
L’oreille aux sons se structure. Repérer le chant de l’oiseau informe, entendre rire aussi. Maladroit enchaîner des accords, exprimer des besoins, des désirs des joies et des peines.
Saliver à l’odeur du pain chaud, se rafraîchir à celle du linge séchant dans le vent, y aller, petit poucet rêveur s’éclabousser dans le ciel de la flaque d’eau.
La force de vie dans la morsure, la sensibilité sensuelle aux odeurs, aux vues, aux touchers,
on accompagne cette petit(e) au monde,
A vous lire encore,
C
Merci Catherine, quand la vie nous attrape même par un fil, il y a tant de vigueur
Oui, tout à fait d’accord avec la lecture de Catherine. La force de vie des sensations qui accrochent au monde qui s’agrippent à la vie envers et contre tout et cette image finale, renversante « s’éclabousser dans le ciel de la flaque d’eau ». Merci pour ce texte. Emue.
Emilie, votre passage me touche, des deux pieds plonger dans le ciel une sensation qui tient du miracle et de l’innocence peut-être, merci…
« Dedans dehors tomber pleurer se relever toujours. » sept mots pour dire la vie. Merci !
Merci, nous avons tous ça en commun, ne trouvez-vous pas ?
» petit poucet rêveur s’éclabousser dans le ciel de la flaque d’eau » démarrage poétique pour avancer « sans hésiter et participer au jeu du monde. »
Très beau texte Raymonde, je vous remercie.
L’enfance des sensations quand tout se joue, merci Khedidja et bel été