Je ne sais plus exactement quand ni où je l’ai lu pour la première fois. C’était entre octobre 1999 et mai 2000, quelque part en Bourgogne ou en Franche-Comté. J’ai oublié mes premières impressions. Le livre n’est pas entré avec fracas dans ma vie mais il s’y est installé jusqu’à se confondre avec elle, dans un renversement insensible des catégories — de la fiction et du réel, des causes et des conséquences, de l’absurde et du sacré, de la raison et de la folie. Il est ce moment de doute, entre vertige et nausée, où l’on ne sait plus, sur le quai d’une gare, si c’est notre train ou celui de la voie voisine qui est en mouvement.
Empruntant aux codes du roman policier — il y a des enquêteurs, des indices, un mort — il déconstruit le genre en forçant les indices et confond l’enquête et le crime. Il nous traîne dans une pension glauque, nous contraint à la myopie, regard plaqué sur les fissures au plafond, les doigts et les bouches, et nous lâche à pleine vitesse sur une orbite métaphysique à laquelle on ne peut plus s’arracher. Il dit notre pulsion de l’interprétation, notre obsession du sens et leur puissance créatrice de mondes malades.
Je l’ai offert, à quelques personnes, comme un pacte de sang.
« où l’on ne sait plus, sur le quai d’une gare, si c’est notre train ou celui de la voie voisine qui est en mouvement.[…]Empruntant aux codes du roman policier — […] Il dit notre pulsion de l’interprétation, notre obsession du sens et leur puissance créatrice de mondes malades.[…]Je l’ai offert, à quelques personnes, comme un pacte de sang. »
Allez vous rendormir avec une telle offrande !
Ah mince! Je ne vous ai pas fait envie avec ces quelques phrases… Je voulais seulement dire que c’est un livre que j’ai aimé offrir parce qu’il éclaire un type de rapport au monde et dit la finesse de la frontière entre le désir de comprendre, de chercher du sens et la fabrication de ce sens, le forçage du sens. J’y retrouve mon obsession de faire du lien là où il n’y en a pas toujours, pour le meilleur (la création de rapports insolites, amusants et parfois éclairants) et le pire (se perdre dans des chaînes d’événements, la surinterprétation, voire la maniplulation des faits). Et si j’ai utilisé l’expression « pacte de sang », c’est parce que c’est une lecture qui a moins donné lieu à des discussions qu’à la reconnaissance d’un rapport commun au monde. Bon, je vous accorde que j’ai été peut-être un peu pompeuse dans ma manière de le présenter!!
nous donne le plaisir parfois salubre d’être secoués
j’espère que vous allez continuer dans cette veine ; et pouvoir souscrire au « pacte de sang » – sans rien dévoiler, bien sûr.
Comme B. C., secoué, électrocuté… JMG
Bonjour et merci. Je ne suis pas encore une habituée des ateliers du Tiers Livre et j’ai écrit ce petit texte sans penser qu’il devait s’inscrire dans un ensemble plus grand. En tout cas, j’adore ces rebonds sur les textes des uns et des autres! Je fonce vous lire!
Ah mince. Je ne trouve pas vos publications.