Voyages 2
Cette année là j’étais dans la principauté d’Orange, le veld à l’infini, le village des esclaves au loin et les maisons des métis près des nôtres, on entendait des voix parmi les ombres.
Cette année là, j’étais à Oxford, Mississipi, la ville n’avait guère changé depuis Faulkner, à chaque pas, chaque coin de rue les mêmes questions : était-ce là, ou là , Benji ? et Temple ?
Cette année là j’étais partie séjourner à Lagos : l’immense bidonville au bord de la lagune, avec au loin les barrages construits pour préserver les résidences des VIP. Chimamanda m’avait pourtant prévenue…
Cette année là, on m’avait invitée en Australie, un étrange pays, où mes hôtes d’origine britannique jouaient au tennis, sur les routes, les cadavres des kangourous, et, parfois, quelques peintures aborigènes…
Cette année là j’étais au Japon , l’empire où les signes s’ouvrent sur les signes, à l’infini, où les fentes des yeux noirs sont autant de sombres haïkus …
Cette année là j’étais en Colombie, et l’épidémie de choléra faisait rage. Coincé en quarantaine sur un bateau, j’ai vu et revu défiler sous mes yeux les côtes de ce pays dont j’avais tant rêvé..
Cette année là j’étais à Bordeaux, rues étroites et pluvieuses, appartements feutrés des Chartrons, la rue du Pas-Saint-Georges désertée par l’amour.
Cette année là j’étais en Guadeloupe, la ville de Pointe à Pitre résonnait des pleurs de Télumée Miracle, la pluie et le vent s’engouffraient dans les grottes.
Cette année là j’étais en Martinique, loin du Pays d’avant, j’avais maronné depuis les propriétés des Beké, dans la forêt, nous cherchions les traces de nos vies.
Cette année là j’étais à Liège, ville étroite et haute, déchirée entre deux devoirs deux pays, deux langues, mais à l’écoute d’un oracle à venir.