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un lit de cent-trente sur cent-quatre-vingt-dix, à la fois un peu trop large et un peu trop court. Tout de suite à gauche de la porte de la chambre, une des deux tables de nuit, encombrée, accolée à la tête de ce lit bâtard. L’autre table de nuit, portant la lampe, identique à la première, de l’autre côté. Pas de livre ni de journaux. Le plafond, très haut — comme dans toutes les pièces de la maison —, donne une impression de volume à la limite du dérangeant. Cette chambre est pourtant la plus petite des quatre chambres du premier étage. Ces trois autres pièces sont des chambres vraiment démesurées. En face du lit, un grand placard mural toujours les portes grandes ouvertes et contenant du linge. Dans le mur de gauche, la fenêtre. Elle donne sur la rue. On voit le grand mur en pierres de la maison d’en face, orné de deux magnifiques rosiers grimpants palissés. Le plafond est tellement haut qu’on a placé une imposte au-dessus de la porte. Par les vitres de cette imposte incongrue, entre le jour dès qu’il se lève. L’interrupteur du plafonnier est situé à l’extérieur de la pièce, qui n’a pas du être une chambre dans le temps, mais un bureau dans cette vieille fonderie d’or.
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l’alcôve est au détour d’un demi-palier, creusée comme dans l’épaisseur d’un très gros mur. L’entrée est une ouverture voûtée, fermée par un rideau pas trop lourd. Une petite fenêtre est percée au fond, par laquelle entre la lune ou la lumière de la nuit. On tombe sur le matelas par terre qui prend toute la place ou presque. On attend de faire l’amour. Une de ces nuits, on s’est consolés, on avait un chagrin à se raconter ici. Les autres membres de la petite bande dorment tous ensemble dans la grande salle du rez-de-chaussée. La Bastide de Châteauneuf est une grande bâtisse en Provence. Nous, on passe du temps tous les deux dans l’étroite alcôve. Pendant des nuits. Dans le mur.
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un très long châlit de bois brut mais patiné par des générations de dormeurs sportifs, fatigués, rompus, exaltés par l’altitude et la vie en groupe. Il s’étend à droite de la porte d’entrée et comporte un étage. Je me suis défait de mes grosses chaussures de marche, un peu déshabillé, et je me suis placé sur les planches du bas et au plus près de la porte. Dans mon duvet, je cherche et je trouve le sommeil, malgré des présences nombreuses et envahissantes à mes côtés. Nous sommes revenus au refuge épuisés après avoir passé une fort longue journée de douze heures sur la tête d’un glacier à 2600 mètres pour le tournage d’un film documentaire dont on jouait la musique en direct. Mais, vers quatre heures du matin, je suis pris d’une très violente crise de tremblements pas contrôlables. J’ai la sensation que mes membres et tous mes os battent le bois sans pouvoir s’arrêter. J’ai peur de réveiller tout le monde. Je sors précipitamment, négociant tant bien que mal avec ma tarentelle inopportune. Une fois dehors, je me tiens comme je peux sur mes deux jambes et je voudrais fumer. Plus de tabac. Il me reste des feuilles et un briquet. Je roule les mégots que je déniche épars dans les cendriers de la terrasse. Je fume lentement en attendant le jour, regardant fixement l’à-pic de la vallée.
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ce grand placard contient un matelas à deux places, une planche à repasser, quelques produits de ménage sur une étagère en U. Voilà un réduit où se glisser pour deux amis, maximum. Dans un logement social en banlieue d’une grande ville moyenne, Grenoble. Occuper ce placard est une grande chance ce soir. Nous n’aurions pas su où coucher sans cette chambre d’amis de la sœur d’une amie. Demain, nous prendrons le petit déjeuner avec nos anciens et nouveaux amis et nous repartirons au festival.
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il n’y a plus de place pour coucher sur le divan. Plus un lit de disponible dans ce pavillon de la banlieue ouest. Reste la moquette rase, vert fané, rêche et un tapis dans les rouges et bruns du bureau au dernier étage. Les murs sont tapissés de livres. Un vieux mégot imputrescible sur l’appui de la fenêtre a commencé sa longue agonie. Vite, redescendre et récupérer au moins un coussin pour la tête ! C’est l’été, pas besoin de couverture. Tout le vin de la soirée va aider au sommeil. Demain, il sera difficile de bouger pour se mettre debout. Je m’allonge et fais l’épreuve du dur et du sec. Je me tourne souvent. Pas un côté meilleur que l’autre. Les livres veillent sur mon mauvais sommeil. C’est déjà ça. Je sens tous mes os.
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tant de fissures dessinées sur les quatre murs de la vaste chambre qu’on renonce facilement à les dénombrer. Parfois on en longe une ou plusieurs pour s’en faire avec l’œil un fragment de paysage. Tantôt quelques centimètres carrés d’enduit tombés donnent l’illusion d’un gros insecte dont on ne sait pas s’il est en train de ramper ou s’il est immobile. Entre deux micro-saignées, un clou qui a dû supporter quelque tableau néo-sulpicien dans le temps. Le grand miroir est fixé sur le mur face à la porte et surplombe une coiffeuse avec son broc et sa bassine d’émail. Le trumeau entre les deux fenêtres est particulièrement écaillé. Les ouvertures donnent sur le bocage normand autour de la noble mais passée propriété. Brume alentour. Le froid de l’automne. Le sol en tommettes rouges, lui aussi fissuré, fait des vagues sous les pas. Au centre de la pièce, le grand lit aux draps bleus s’appuie la tête au mur de droite. Nous dormons là pour quelques soirs. Sous l’édredon mordoré et troué par endroits, vient se loger un peu de chaleur, presque tout de suite. Aurons-nous, les jours prochains, un peu de soleil ?
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comment me souvenir de la chambre que j’occupais au Select Hôtel, rue Pierre-Sémard à Maisons-Alfort, pendant un long mois de l’hiver 1999 ? Plus rien ne ramène de mémoire précise quant à ce petit bout de lieu sur la Terre. Les murs devaient être tapissés de jaune pâle ou de bleu délavé. Portaient-ils un ou plusieurs motifs ? Tout de suite, ayant passé la porte munie du règlement de l’hôtel, cette reproduction de chasse à courre était-elle accrochée à la va-vite ? La moquette, bleu roi, ou le lino, gris perle ; allez savoir. Je crois entrevoir un rideau de plastique neutre servant à séparer le coin lavabo du reste de la chambre. Mais n’était-ce pas plutôt un mini coin douche ? Un plafonnier, sûrement, mais y avait-il des appliques, un néon ? Une ou deux tables de chevet ? Je ne me rappelle pas si j’ai bien dormi en général, ou pas ; si j’ai fait de sulfureux cauchemars, ou pas. Je ne me rappelle pas si le sommier était à ressorts. La fenêtre donnait-elle sur la triste rue de banlieue ou bien sur une misérable et sombre cour ? Avais-je vidé ma valise dans l’armoire faux rustique ? De tout ça, je n’ai plus la mémoire, je vous dis. Le changement de millénaire a dû laisser ce tout-ça derrière lui.
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pour un prix dérisoire, nous avions loué près de Sète une très petite maison de deux pièces bâtie à la hâte dans le recoin d’une cour gravillonnée. La fenêtre de la chambre était munie de barreaux torsadés. Le lit qui accueillait nos nuits de vacances, les premières, n’était qu’un clic-clac de cent-quarante. Juste suffisant, mais nous n’en demandions pas trop. Dans un dénuement relatif, nous passions du temps heureux mais sans rien de superflu ni de décoratif. Une chambre où se promener de façon limitée, mais à moitié nus, voire complètement. Nous nous sentions comme dans une maison sur une île grecque, mais faite pour des prolétaires.
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les voyages en train-couchette ont formé ma jeunesse. J’ai le souvenir du Phocéen, qui reliait en une assez courte nuit Paris et Marseille. Et puis d’un autre train Strasbourg-Paris, en une nuit encore plus courte, je crois bien que c’était l’Orient-Express. L’installation étant malaisée et presque périlleuse, je choisissais de réserver toujours une des deux couchettes du bas, afin de pouvoir sortir plus facilement en cours de voyage. Après avoir placé mes bagages ; après avoir déballé le drap portefeuille de son emballage plastique, l’avoir étendu tant bien que mal, bien que je ne m’en sois jamais servi ; après avoir étalé la couverture, je me glissais dessous une fois mes chaussures enlevées. Il restait à éteindre la veilleuse, à enlever mes lunettes et à les placer dans le petit filet élastique de la cloison. L’odeur du skaï, des corps défaits, contraints et relâchés ; le bruit hallucinant des boggies et des roues ; les arrêts prolongés dans des gares désertes sectionnaient mes nuits en séquences empreintes de plus-que-réel.