J’ai un problème avec les carnets noir, les d’Hemingway, les Classic Reporter, format 9×14 cm à glisser dans la poche arrière du jean, feuilles ivoire, 70 g/m2, couverture rabat, idéalement lignés, poche intérieure à soufflets pour déposer les indices, 24 feuilles détachables pour partager les infos, déchirer des fausses pistes, quatrième de couverture aux lettres gravées Moleskine, avec en ouverture, La Feuille Cartonnée qui renseigne
in case of lost /
Nom, prénom, adresse,
as the reward $/,
Blanc derrière les points,
shut your mouth ,
Claque l’élastique noir.
La couverture rigide est commune, elle range l’inspiration : elle a les angles saillants, accueille une graphie pointue, scolaire, sans rature, impossible de tenir plus de 80 feuilles à ce rythme serré. A moins d’être journaliste et ne rien rater de l’essentiel : les chiffres, les sources, les citations et se laisser aller au fil des pages, à écrire GROS, à construire MAIGRE, à composer VRAI et l’histoire s’incruste in Moleskine.
La couverture molle est maternelle, elle ronge la confiance : elle recouvre l’encre avec souplesse, aime les surcharges, les remplissages, les vomissages mais impossible de remplir sereinement les versos des feuilles ivoire qui collent à sa mollesse et imposent de rester vierges. A moins d’être poète et ne rien vouloir d’essentiel : les chiffres, les sources, les citations et se laisser aller au fil des pages à écrire souffle, à construire air, à composer rêve et l’histoire s’incruste in Moleskine.
Une douzaine de ces carnets se serrent, la tranche à l’air, sur la dernière étagère de ma bibliothèque.
Le noir attire la poussière.
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