Rentrer dans la salle, éviter la bousculade, les gestes malencontreux tant ils sont excités par l’événement. Les élèves sont séparés en deux groupes. Les plus grands se répartiront à l’arrière sur deux files. Les plus petits s’assiéront au premier rang. Chacun cherche à se positionner selon ses accointances. Chacun cherche à se rapprocher du copain, de la copine. Chacun cherche à éviter la mauvaise association. On se déplace. On permute. Des duos, des trios se forment. Certains se retrouvent isolés. Peu à peu, les rangées se constituent, se stabilisent. A la demande du photographe, tous pointent le regard vers l’objectif, s’immobilisent. Tous sourient, ou presque.
La photographie de la classe de quatrième posée devant moi, je reconnais les vingt quatre visages de l’année de nos treize, quatorze ans. Je pourrais les nommer. Selon les positions, les postures, je devine les affinités qui relient les uns aux autres, comme je me rappelle des inimitiés. Je figure au dernier rang à gauche aux côtés de mon amie T. Je ferai de la danse pendant de nombreuses années avec T. Nous présenterons une chorégraphie ensemble pour le bac. Sur la photo, je la dépasse d’une bonne tête. Comme je m’attarde, un motif me retient. Epaule contre épaule, liées par la bande de notre pull jacquard.
Liées pull à pull, par les bandes horizontales qui les traversent et forment un cartouche discontinu à hauteur de poitrine. Liées épaule contre épaule par un simple point de contact. Un geste furtif saisi dans la circonstance par le photographe scolaire. Un geste de corps juste émergés de la gangue de l’enfance, de corps en devenir, de corps en adolescence . Des corps gauches qui n’ont pas encore tout à fait trouvé leur forme. Des corps en transit. Sur la photographie de la classe de quatrième, un détail s’est fixé, presque rien.
Quelle belle image ces lignes horizontales de pull en continuum passant de l’une à l’autre de ces corps en transit… MERCI
Merci beaucoup pour ce retour ! Et bonne écriture à venir à vous.
souvenir à la fois graphique (quelle belle idée que ces rayures de pullovers) et émotionnel
on ne cessera jamais d’observer ces photographies
« un détail s’est fixé, presque rien »
Très beau texte, le graphisme des bandes de jacquart, les affinités, inimitiés, tout ce qui revient des corps juste à partir d’un instant figés. Merci, Stéphanie.
Merci pour le passage et votre fine lecture Anne ! Bonne journée
« Liées pull à pull, par les bandes horizontales qui les traversent et forment un cartouche discontinu à hauteur de poitrine. Liées épaule contre épaule par un simple point de contact. » c’est superbe . Merci