…passé sous vos roues… et vous avez fui… vous avez fui alors que vous avez roulé sur un corps, quelque chose ressemblant à un corps… mais un corps d’animal… vous dites, alors vous êtes reparti… une fuite… vous avez eu la sensation de quelque chose entre les roues du véhicule, vous ne vous êtes pas arrêté, vous étiez lancé… vous avez fui… ce pouvait être un chevreuil, un jeune sanglier, vous dites, aussi vous avez fui… mais c’était un corps… humain… vous vous êtes arrêté un peu plus loin et vous avez vérifié l’état de votre voiture… puis vous avez fui… dans la nuit, vous vous êtes agenouillé sur le macadam, vous avez regardé sous la voiture… il n’y avait rien de notable… vous n’avez pas jugé utile de retourner en amont où vous aviez ressenti une secousse et vous avez fui… c’était une nuit sans lune, vous rouliez vite pour ne pas arriver après le couvre-feu, vous sortiez tout juste d’un virage, quelque chose a heurté votre voiture à moins que ce ne soit l’inverse… vous vous êtes arrêté quelques centaines de mètres plus loin, un animal dans ces contrées, c’est chose courante, alors vous avez poursuivi votre route… en fait, vous avez fui… ce qui vous a taraudé l’esprit, dites-vous, c’est que vous avez fui… vous-même le reconnaissez, vous avez fui… ce que l’on vous reproche, c’est d’avoir fui… et oui, c’est précisément ce que l’on vous reproche : avoir fui… le lendemain, il était encore plus clair pour vous que vous aviez fui… le journal local parlait du corps d’un homme retrouvé au bord de la route… vous vous êtes alors demandé si cela pouvait être le corps – ce que vous aviez cru être un animal – sur lequel votre voiture avait roulé… votre tourment s’inscrivait en trois mots : j’ai fui… et une question : pourquoi ? Je vous la pose.
Votre texte restitue l’idée de fuite de façon très oppressante; en tout cas cela fonctionne vraiment très bien sur moi! C’est même assez dérangeant; sensation forte à la lecture.
merci O. Elsa, pour votre commentaire ! Je cherchais à rendre cette impression d’étau pour la personne accusée de fuite. Tant mieux si ça fonctionne pour vous !
mais votre esprit n’a pas pu fuir et vous garderez, muette, en vous, cette fuite
mon personnage, en tout cas… mon Dieu, je me sens d’un coup associée à tous les vices, mensonges, drames à venir ! 😁
(c’est un délit constitué du fait qu’on aurait pu, sans fuir, sauver une vie, fut-elle animale) alors la peur d’être accusé, d’avoir à affronter ses responsabilités (est-on responsable dans un virage entre chien et loup de ce qui se précipite sous vos roues ?) (je remarque cependant que c’est un être masculin au volant) (de ce fait, on imagine que le fait de rouler trop vite fait partie (caractérise ?) de son genre) (j’organise la/ma défense, comme tu vois) (j’aurais du faire du droit : non, vraiment non, merci bien) (je ne fais que répondre, monsieur (ou madame) le (la) président(e))
Piero ! Tes mots… qui pourraient être ceux de l’homme au volant… Mon personnage est un homme, c’est venu comme ça… dans Faire un Livre, et puis un fait divers qui m’a touchée s’est retrouvé dans Tarkos, mais finalement il va rejoindre la première histoire ! Merci en tout cas, d’être passé par là !
C’est tellement bien rendu, efficace, cet anodin et comment ça tourne au drame ou pourrait tourner au drame. Magnifique. Merci.
Anne, merci pour ton commentaire ! Je pense qu’il y a un drame là-dessous, en effet ! Je poursuis l’écriture sans trop savoir où je vais, je fais confiance aux personnages… Des bises !
Très fort ressenti à la lecture de votre texte, sur la fuite, la responsabilité comme il est évoqué plus haut. La question de limite entre l’homme et l’animal imprègne aussi ces lignes. Cela me fait penser aux premières ligne du « Versant animal » de Jean-Christophe Bailly.
Laure, merci de votre commentaire. Je reviens peu sur mes écrits et du coup, loupe les messages ! Je note ce livre de J-. C. Bailly, merci encore !
… me rappelle Mort d’un cycliste, de Juan Antonio Bardem, qui m’avait tellement impressionnée et dont je me souviens encore ; j’aime beaucoup la chute, cette double incompréhension, une fois l’irréparable commis…
Christiane, je vous remercie pour la suggestion de lecture ! La chute, non prévue, est venue telle quelle… comme je le dis plus haut, il s’agit d’un fait divers qui m’a bouleversée… Merci de votre passage ici…
Poser une bonne question et montrer que la réponse ne va pas de soi.
Ça roule bien. Le texte.
La seule secousse, c’est celle qu’on ressent
Philippe, merci vraiment pour votre commentaire, qui me touche. A vous lire ! A bientôt donc…