un fond de café au plafond du Babybel collé les tasses la porcelaine les fleurs bleues un peu de lait mémé est à l’évier torchon pour les gouttes dehors les poules passent caquettent en liberté pépé son saucisson un verre de rouge ça c’est pépé et nous rions sous cape à nous faire engueuler tout à l’heure la messe d’abord l’épicerie les bonbecs les bonbecs sur le banc de messe c’est comme ça les étés sous la halle nous irons au marché poissons fruits patates pour le déjeuner baguette à la boulangerie même pas dorée pas comme à Paris savent pas faire le pain ici mais on entend les cloches et on est chez mémé avec son formica fornica comme elle dit ça nous fait rigoler des fois sur la table elle laisse traîner son dentier ça nous fait rigoler des fois elle lance sa savate si on rigole ça c’est mémé il y a une boîte en fer sur la cheminée avec des biscuits secs très secs mémé a des bigoudis ça nous fait rigoler dans le miroir de l’évier où elle fait la vaisselle les lapins sont doux dans les cages dans la cour dans la cuisine la nappe plastifiée comment on dit déjà toile cirée avec la tache de café et les miettes sur les carreaux quand c’est Pâques on va au jardin les herbes hautes les chocolats bien cachés sous la corde à linge et les grandes culottes à mémé ça nous fait rigoler elle a son air penché elle nous fait du poulet avec des pommes de terre sautées c’est quelque chose ça les pommes de terre sautées à mémé elle conduit une 2CV derrière ses lunettes carrées elle va au supermarché nous achète une cassette pour le magnétophone en haut il y a la chambre du nord où dorment mes parents c’est là qu’ils m’ont faite il paraît au début du mois de juin vers le 2 quand il fait beau dans le printemps sur le lit il y a des couvertures côtelées avec des poils qu’on tournicote et un tapis par terre pour poser les pieds et des chaussons des patins pour ne pas salir des patins j’avais oublié dans la salle de bain il y a la laque à mémé pour ses boucles sa mise en plis pour être belle pour aller à la messe voir monsieur le curé ou au supermarché à l’apéritif il y a du porto pour les grands et des gâteaux salés dans des boîtes en plastique compartimentées avec tout ce qu’il faut pour bien se régaler quand on repart les parisiens pour la capitale mémé chouine un peu ça énerve papa il dit que c’est du vent du flan pour nous culpabiliser avec des larmes de crocodile pourtant elle a un mouchoir grand rose avec des petits carreaux pas du tout du papier non du tissu du vrai qui passe à la machine à laver mémé a une machine à laver avant c’était le lavoir mémé nous a raconté mémé a mal au dos d’avoir trop travaillé qu’elle dit des fois on regarde la télé mais pas souvent un film le soir avec un gendarme et des gendarmettes la dame avec son aube blanche et son grand truc sur la tête on dirait mémé quand elle est au volant ça nous fait rigoler on est affalés sur les canapés avec des fleurs grosses et colorées et des coussins douillets on est bien chez mémé quand même même si elle râle des fois quand elle croit qu’on se moque quand on voit son dentier qu’on colle du Babybel qu’elle mastique son poulet après le repas on a une madeleine un carré de chocolat elle ouvre sa boîte en fer avec ses gros doigts ça nous fait les yeux un peu mouillés des fois on va chez ses copines elles s’appellent Véronique Célestine Thérèse je l’aime pas beaucoup cette copine-là elle dit ça nous fait rigoler les copines nous gratouillent la tête gentilles contentes de nous voir mémé est fière de nous montrer comme un beau poulet ou un bon cheval mémé a des robes à fleurs des jupes droites en laine des tabliers des chemisiers roses avec des dentelles au col et aux poignets et des pulls quand il fait froid et des chaussures de mémé tout confort achetées dans des magasins spécialisés des cadres avec nous dedans des photos de vacances tous les cousins dans la maison de Beau-Soleil tous les étés nos têtes qui rigolent bien compartimentées dans les cases nos têtes qui sourient mémé a vieilli pour ne pas dire autre chose et nous aussi
Un très joli portrait de « mémé » qui donne envie d’en avoir une comme ça de « mémé » / et aussi ce refrain qui revient « ça nous fait rigoler ». merci pour ce texte touchant.
C’était déjà un personnage. Merci pour elle ! 🙂
Que j’apprécie ce texte, des souvenirs en écho de tendresse et d’affection sous moqueries d’enfance ! J’avais retenu au coeur ce livre de Philippe Torreton : « Mémé »…
J’avais eu envie de le lire et puis ne l’ai pas fait. Il faudra donc y remédier. Merci beaucoup.
mémé et ses sales petits gosses qui s’aiment et ce que nos vacances d’enfant sont belles même si un peu vides parfois, quand les revivons
la « vacance », pour de bon, et je découvre avec vous que le latin « vacare » signifie « être vide » ! merci !
Tout concourt à l’émotion, ce présent, ces mots simples… merci à vous pour l’authenticité de ces restitutions, ce sont de véritables saynètes, des tableaux aussi, on respire dans les blancs du texte, on repart avec des voix, des rires fous ou sous cape, de la couleur, des odeurs de café… on le lirait en boucle !
Mille mercis en boucle aussi, vous me faites bien plaisir.
Bravo mémé & pépé !
Merci pour eux, vers là-bas !
… rien à changer à mon commentaire du 29 août… juste ce « mémé » qui m’étreint le coeur et que je suis incapable de dire ou d’écrire aujourd’hui…
Je comprends cela, l’impossibilité de prononcer ou d’écrire un nom. Merci.