Après la soupe de carême Vendredi Saint visite à la cuisine le grand-père aime la soupe aux choux il verse du vin rouge dedans elle la grand-mère avec les dictionnaires en boule les mots croisés concentrée sort les croquets boîte en fer blanc limonade orange lui le grand-père les pieds sur la table du salon j’arrive Jean-Pierre a mis en ligne les foins le café clair combien de sucres elle les garde dans le banc-bahut les vieux dictionnaires avec les vieilles définitions on sait jamais elle a vêlé quoi une vachette c’est bien on va à la buanderie pour les ours Haribo on sait où à la Bénichon on monte dans les chambres du haut avec les cousines on joue à l’assassin et au voleur dans la chambre de Marc ils ont rentré les regains juste avant la pluie les oncles parlent fort les paysans les fonctionnaires le conducteur de locomotives et l’oncle Raymond qu’est-ce qu’il fait l’oncle Raymond du parapente elle ouvre le frigo il me reste du gâteau aux cerises on a tourné la manivelle qui dénoyaute on a cueilli le raisinet derrière la maison le chien enchaîné s’appelle Whisky c’est un bâtard un chien de ferme un vieux qui n’aboie plus à la fin du repas le grand-père se lève avec peine il chante la grand-mère à la cuisine l’écoute en essuyant la vaisselle il chante par cœur le ranz des vaches il raconte on a vendu le domaine en 1930 les tantes le rabrouent encore ces vieilleries c’est son plaisir dit l’oncle Raymond la grand-mère à la cuisine se souvient le bal les neuf enfants les hommes ne peuvent pas comprendre ce que c’est neuf enfants la quatrième une fille après trois autres filles qui n’a qu’un bras et le grand-père qui chante lè chenayirè van lè premirè lè totè nêrè elles sont à Fragnière c’est l’heure de la pomme pour les hommes pas trop pour le grand-père il ne supporte pas les tantes veillent au grain la grand-mère s’étiole le grand-père va manger aux Fauvettes le mardi et le jeudi elle a oublié tout il a nonante ans il vient d’apprendre à cuisiner ils se suivent de peu
Marcelline Fragnière
1926-2015
André Fragnière 1922-2016
une semaine avant il chantait encore
leurs vies et les légères différences négligeables avec les notres les votres légères différences en qui tiennent toutes les saveurs
Leurs vies avaient en elles toutes ces saveurs. Merci pour votre commentaire.
Dans la paysannerie, il y a ici la mémoire du conte. À lire ce texte, j’entrevois tant d’histoires… Merci pour cette lecture.