J’ai vu le gros des nuages gris en train de se disloquer sous les boutoirs du vent d’ouest, là-bas, là où la clarté montait au bout de la route qu’éclairait les phares.
27 septembre
Elle a vu le gros des nuages gris en train de se disloquer – en loque, disséminée, éperdue, presque disparue, l’encre noire
et c’est aux abords des veilleurs qu’elle se rafraîchit un instant le visage, courbée sur l’eau clair de la vasque dont le murmure de fontaine s’est tu depuis longtemps,
désaltérée la soif par le souvenir au goût de sable d’un puits perdu où s’égoutte l’écho liquide sur le calcaire des carrefours de la déroute,
humant la chair tiède, hyène peut-être ou plus sûrement louve.
Elle a vu, là-bas où la clarté montait, le ruban d’asphalte – une mue illusoire que la vitesse crée dans un mouvement hypnotique, balayée par les phares de ceux qui tournent le dos aux premières lueurs,
ceux qui se détournent craignant d’être effleurés par le soleil et transformés en statue de sel ou de poussière,
dispersés alors comme peuvent l’être le flot des mots dévalant une page sauvée du désastre, du déluge, de la montée des eaux, barbotant le cadavre des secrets soufflés puis tus.
Elle a vu,
elle voit, sous les boutoirs du vent d’ouest, le poids du ciel s’alléger, dessiner dans la verrière des mots une voix nue, têtue et abrasée, incessante sous le chaos ordonné de ce monde,
elle reconnaît
cette voix de verre, de velours et de veille,
voix défaite, occupée, envahie, ouverte.
Éparse, la voie d’encre, cherchant à regagner le livre détrempé, papiers floconneux, amas grisâtre, bon pour le tamis de la pâte à cellulose, amalgamé à ce qui fut un jour l’arbre sourcier aux racines profondes et aux branches étendues où l’espace se retenait à la nervure des feuilles.
Éparse, balayée par l’incessant murmure de l’estran où les hiéroglyphes des traces posées par ceux qui s’envolent portent haut une phrase indéchiffrable.
Les traces, l’eau, la disparition, l’inquiétude beaucoup, un vertige poétique de mots où l’écriture s’amalgame au trajet parcouru.. merci pour ce vertige.