… dans l’entre-deux dans la faille il y a le néant le gouffre le puits sans fond le trou sans fin les entrailles de la terre l’obscurité indicible l’invisible à l’œil nu il y a aussi la plénitude de la pierre qui ne vieillit pas du mélancolique qui ne décolle jamais de sa douleur implacable incapable de faire son deuil dans deuil il y a œil cet œil qui la perd lui fait voir les choses d’une certaine façon dans un certain ordre cet œil qui déforme sa vision du monde qui transforme l’informe en quelque chose de flou de faux de semblant à quoi se raccrocher pour ne pas sombrer s’échouer dans les décombres de ce passé hideux de cette vie médiocre pleine de ses banalités de ses immondices de ses secrets honteux si seulement elle pouvait comme la roche toujours traverser le temps sans bouger sans réagir connaître l’immensité l’infini ne plus avoir à se demander s’il valait mieux regarder tout en bas dans les abysses de sa mémoire ou bien tout en haut dans les limbes de l’éther cesser de chercher une place quelque part dans ce monde faute de pouvoir faire ce choix continuer de se tenir là de faire semblant prolonger l’imposture entre la vie et la mort transpercer le silence sans faire de bruit échapper à la course du temps à elle-même se tenir au-dehors poser les yeux sur les siens faute de pouvoir faire mieux attendre immobile retenir son souffle