flottant sur l’eau soie dense extraordinairement profonde portés par l’eau nos corps allongés infinis
étirés en étoile ruissellement sombre nos corps brusquement redressés cygnes gris s’approchant claquant du bec menaçants à nouveau déployés allongés quand se sont éloignés nous laissant flotter soulevées au gré des vagues flotter les yeux fermés si on pensait à la profondeur de l’eau
sous nos corps l’à-pic d’obscurité liquide on serait peut-être aspiré par cette profondeur montagne inversée
nous flottons ouvrant parfois les yeux
apercevant masses abruptes de collines sombres
gloriette jaune ocre apercevant grands arbres touffus étendant nos bras nos mains nos jambes instant plein instant nous flottons plénitude de l’eau
on oublie on aime tant la paix du lac on croit à la paix sublime du lac on sait pourtant ce qui s’est passé se passe
à un deux kilomètres fato storico signale le panneau
routier on voudrait effacer le souvenir des roses artificielles accrochées au-dessus de la croix noire on voudrait oublier bercées par les vagues oublier le nom du Duce en lettres dorées sur une croix noire un mémorial impensable ? on sait pourtant la nostalgie fasciste
de certains de beaucoup ? plonger sous la surface du lac resurgir que l’eau ruisselle sur nos paupières sur nos joues que lac nous lave non-dit de la signalétique routière fato storico bizarrement traduit par historical sight sur la deuxième ligne du panneau puis la date 28.04.1945
nous flottons onde mémoire onde oubli et résurgence
nous flottons ouvrant à demi les yeux balustres rosées
densité végétale notre peau mi-eau mi-air impression neige
au loin on ne pense pas au gouffre sous nos corps
fondent dans l’instant puissance des eaux lourdes le paysage nous avale plein lac nous maintenant ici
Très touchée par votre texte … délicatesse de vivre, divisé entre la mémoire et l’instant. Merci Muriel Boussarie
Merci beaucoup Déneb pour votre écho et pour votre sensibilité. Votre perception de mon texte m’est précieuse.
Beaucoup aimé votre texte, Muriel. Les blancs y ont toute leur place. J’ai ressenti moi-même ce saisissement dans certains lieux si beaux et pourtant théâtres de drames.
Merci.
Grand merci Elisabeth pour votre lecture et votre commentaire qui me touche beaucoup/