Ça n’aura échappé à personne : le cloporte va recevoir les restes du nid de frelons sur la tronche. Pour l’instant, il œuvre à sa tâche, chercher de quoi manger, sinue entre le saladier ébréché, le bâton de marche fendu et le tapis râpé roulé vertical mais plié par le toit métallique pentu du cabanon. Le frelon a vu le cloporte dès son entrée et sa déception en constatant l’effritement du nid qui pend encore par miracle à l’axe central du toit. Si on est attentif, on le distingue nettement sur le montant métallique du vague établi qui occupe quasiment 50% des 3 m³ de la scène. Nul doute que si on s’attarde un peu, on assisterait à la descente en flèche de l’asiatique bestiole sur sa victime. Mais on sort, plan préférable.
TEMOIN 1, la chaise en plastic : oui, d’où j’étais, c’est-à-dire flanquée de travers sur l’établi, j’ai très nettement vu l’animal quitter son poste d’observation vertical pour se ruer sur sa proie 80 cm plus bas. TEMOIN 2, les boules de pétanques : oui, malgré notre positionnement éloigné sur l’étagère du haut, nous avons entendu le choc, un coup sec puis le silence. TEMOIN 3, le barbecue : oui, comme j’occupe le coin du cabanon, j’ai un angle de vue à 90° et rien de m’échappe. TEMOIN 4, le gant de jardin troué : oui, comme je gisais au sol et que j’avais bien senti l’arrivée du cloporte sur ma peau, je peux affirmer que le redoutable hyménoptère a achevé le naïf isopode sur mon dos puis a pris la direction du filet d’espace qui sépare les deux portes coulissantes. Plan furtif.
Si vous étiez restés, vous auriez été témoin de ceci : juste après que le frelon s’en soit pris au cloporte et comme si cette attaque avait provoqué d’importantes vibrations tout au long des parois de tôle, le fragile nid de frelons a explosé en fines particules qui se sont répandues, telle une pluie paniquée, sur les quatre niveaux de l’étagère atteignant ici une toile cirée, là de vieux bocaux de confiture ou encore une réserve de petit bois. (Les boules de pétanque situées au plus haut y ont échappé mais de peu). Dans leur danse aléatoire, quoique invisiblement gouvernées par une brise discrète qui avait réussi à pénétrer l’habitacle, les particules nacrées ont aussi saupoudré une petite table en rotin vautrée sur l’établi, un sèche-linge et ses pinces jadis colorées et enfin le cadavre du cloporte lui offrant au final un dernier lit où reposer au chaud. Dernier gros plan. La mort est belle.
Merci pour cet épisode tonique et plein de drôlerie. J’ai un faible pour le témoignage du gant de jardin.
Ca fonctionne bien le point de vu des objets, c’est surprenent. État d’esprit du vivant de l’animé à l’inanimé.
Merci pour ces témoignages. Et pour nous aider à méditer sur la qualité des architectures des nids d’insectes.