Il désigne d’un geste, le majeur tendu s’adressant aussi bien à une masse qu’à un seul, les autres doigts repliés, l’avant bras décollé du tronc traçant en creux les deux côtés d’un triangle isocèle, bon repère pour l’œil d’un dessinateur, ce vide marqué entre le bras écarté et la lourde redingote ou plutôt capote, manteau rigidifié au col relevé ou simple uniforme et, vue de trois quart depuis le poste d’observation soigneusement sélectionné, en relevant les yeux, la tête sous le bicorne, surplombant de peu celle de l’équidé. Leurs regards : celui de l’homme fixé sur le point indiqué de la main, au geste magnanime emprunt d’autorité et celui de l’animal porté au loin à l’opposé du regard du cavalier dissimulé dans l’ombre du célèbre couvre-chef dont la corne de droite pointe dans l’axe de l’oreille dressée de l’animal tendu, pour ainsi dire par nature, en d’autres temps et dans une autre dimension fringant, enlevé de l’éperon gauche contrôlé par le pied tout prêt à entrer en action sur son flanc transpirant, palpitant, ici, abruptement figé au pas sur son piédestal. Et le poitrail puissant, orné d’une sangle qu’on dirait d’apparat, pour déambuler lentement dans les rues de la ville à bâtir, au nom, à la gloire de l’homme, la rêne mollement tenue en contact avec la bouche animale qu’on devine, ou plutôt imagine, à l’arrêt après un galop écumant, roulant des yeux exorbités de jeune étalon , ou bien alors, rendant le son paisible de mâchouillement de mord de grognard discipliné auquel le cavalier reste superstitieusement attaché. Soudain les naseaux, emplis de vert de gris, se détachent avec précision sur fond de ciel métal, illuminés par un soleil dardant ses rayons en pleine face, révélant la double figure fondue dans une éternité figée, cependant que le bicorne sert de ci de là, de perchoir à pigeons ou bien à tourterelles. Sur le flanc gauche, la botte emprunte de force, semble sur le point d’éperonner l’animal et le faire quitter au grand galop la place médusée pour la circonstance, et, dans un échange de rôles renversant notre belle mécanique, délaisser le socle de granit à étages qu’il resterait à décrire. Ou bien, suite à quelque catastrophe climatique, voir le socle se fendre et absorber le bronze dans son entier, sorte de monstre marin parallélépipédique aux bords savamment orchestrés, assoiffé de solide. Ou encore, point final à la majesté de l’édifice, le voir quitter sa stèle et s’effondrer de tout son long et de tout son volume déposé sur le côté, dans une montagne de poussière recouvrant l’espace temps d’un clignement de paupières que le désir de disparition de toute chose actionne. En attendant, la statue du commandeur de la cité luit, à jamais escaladée par quelques marmots réveillant les lieux de leur innocence. A côté de moi qui tâche de l’écrire, un autre humain la dessine. Et le temps, indifférent, la caresse de son aile, elle, sa lourde beauté anthracite, son élégance nominée, parachevée, verte, immobile, centaure de métal sur fond de ciels champ de coton, croisant le fer avec les éléments.
Beau texte dans lequel je reconnais cette place que je connais bien.
Hou Hou merci pour le commentaire ça fait plaisir. Vais peut être déplacer ma vie ds le secteur. On pourrait échanger des mots de visu ds la vraie vie si ça se trouve. Vais lire le vôtre de ce pas.