Texte 1 – 22 juillet 2019
Un pinceau de calligraphe japonais.
Sur sa hampe, quelques caractères pyrogravés – une hampe en bambou de section circulaire, longue de 18cm. A son extrémité, une touffe de poils de chèvre.
Elle se gorge d’eau. Je l’essore par une pression continue de mes deux doigts (l’index et le pouce) qui fermement appuient sur ses hanches, son ventre, sa gorge, sa pointe fine, jusqu’à ses quelques poils plus longs, les poils de vie.
Il se charge d’encre, par capillarité. Une encre préparée à partir de noir de fumée et de gomme arabique. Il est prêt.
Texte 2 – 26 juillet 2019
Sec, il faut le voir, une tignasse relâchée, ébouriffée, échevelée jusqu’à l’indécence. Mais dès qu’il se gorge d’eau, dans une tension extrême, sa silhouette s’effile entre mes doigts. Depuis sa hampe et tout au long de son corps, par une pression douce et continue, l’eau dégorge, s’écoule en petite cascade puis ruisselle de sa pointe. Il est prêt.
Sa pointe dans l’encre noire.
Doucement, le noir remonte, par sa gorge tout d’abord, puis son ventre et gagne ses hanches.
Silence.
D’un souffle, il effleure la surface vierge. Un geste, un signe, le caractère unique d’une langue inconnue.
Texte 3 – 29 juillet
En suspens. Le pinceau, la feuille blanche, le vide.
Ne rien attendre. Attendre.
Surtout pas le beau, l’effet, la réussite. Non.
Calmement respirer. Simplement respirer. Respirer jusqu’à l’extrémité du pinceau.
Attendre, le pinceau tenu verticalement, élégamment. Tenu parfaitement.
Faire corps avec le pinceau.
Regarder le vide, accepter le vide. Attendre au bord du vide.
Ne rien attendre.
Et puis, l’instant venu, se laisser surprendre par le souffle du pinceau.
Texte 4 – 31 juillet
Un homme sans pinceau
Sur la feuille, l’ombre du vide
La nuit tombe, silence
Texte 5 – 1er août
A l’extrémité, le mouvement. Un rythme.
L’écriture est un souffle. A l’extrémité du pinceau, le souffle.
Je regarde les poils du pinceau, ils respirent sur la surface étale. Ils s’étirent, s’écrasent, se suspendent, ponctuent.
Parfois, le pinceau n’écrit rien, il se disperse, fait l’intéressant.
Parfois, c’est peu de chose, mais c’est là. Une petite écriture, précieuse, irradiant la feuille.
Et cela peut suffire pour que la nuit soit douce.
Alors je lave le pinceau dans de l’eau claire. L’encre noire coule de ses hanches, vers son ventre, sa gorge, jusqu’à sa pointe fine et ruisselle tout au bout de mes doigts.
Très beau texte qui m’a fait vibrer entre le noir et le blanc.
Merci Fil.
la passagère du silence, bien sûr !
Merci Danièle pour cette belle image.
Magnifique texte pour un pinceau qui est loin d’être ordinaire ! J’aime beaucoup la poésie de ce corps à corps.
Merci Marie pour votre lecture.
Exactement ! vibrant ! Mes pinceaux chinois distroyed par mes enfants petits. Moi amoureuse d eux et d eux. Restés dans leur boîte. Partis vivre leur vie. L écriture est la soif le souffle le grand vide instable l équilibre sur le fil. Magique merci.
Merci Cat pour le partage de votre lecture et de votre expérience.