La navrait ou l’amusait à la fois de se sentir si dépaysée. Renouer avec Paris après trente ans d’absence ne l’avait pas autant désorientée, s’y attendait ou pour elle Paris tel qu’elle l’aimait n’était pas encore figé, mais ici à Sanilhac qu’elle croyait immuable – hors les habitants… elle savait qu’après cinquante ans elle aurait des ajustements à faire –, même ses jambes n’avaient plus la faculté de la guider sur les cheminements anciens. Il le lui avait bien dit le Papé | les rides, les mains devenues serres décharnées, les rares cheveux blancs, toutes marques ordinaires des ans étaient attendues et sans importance mais le sourire, la voix, leur élan mutuel étaient intacts et puis faut dire qu’ils s’étaient écrit, oh pas si souvent, mais pas des mots de circonstance, vraiment écrit | le lui avait dit en l’invitant à aller se promener parce que là, il attendait sa belle – un sourire menton penché – mais qu’elle verrait ça avait changé et tu sais votre maison, oui elle savait, elle avait été vendue, elle avait eu sa part, « enfin tu verra… Va ! » Elle avait vu la place de l’église et de la maison du Papé, elle avait vu le café devenu magasin U, la plaque de rue qui n’existait pas jadis et dit à ses jambes hésitantes que c’était là qu’elles devaient avancer, elle n’avait pas vu la maison et pouvait laisser dormir les souvenirs bons ou de colère derrière la grande haie de thuyas, une tache dans le paysage, qu’ils avaient plantée les parisiens comme disait le Papé, mais là à la fin des thuyas elle savait, ce chemin de terre qui s’amorçait c’était pour elle et si ses jambes l’ignoraient encore ses yeux avaient reconnu l’avancée de la garrigue et les petits arbres tordus derrière, héritiers de ceux d’autrefois, et le bôri enfin, le leur à Vincent et elle. L’avait à nouveau dix ans… et puis a pris dans les yeux ces pierres entassées, bourrées dans l’entrée, s’est assise dans l’ouverture du muret, a eu envie de sucer son pouce.
Mots clés : Sanilhac, petit patrimoine, calcaire, garrigues
le coup dur des retrouvailles, oui à sucer son pouce, tellement juste.
Ces amours-là, si belles, incomensurables… (le sourire mebton penché : parfait…) merci à vous Brigitte
Catherine, oui on aimerait pouvoir en venir là parfois (d’où les cigarettes)
merci Piero
Jeux du temps, les souvenirs s’allument. Beau. Vraiment.
mélancolie de retrouvailles, temps superposés qui déchirent et font du bien aussi. Être toujours là.
Mots justes.
grand merci Jean-Luc, grand merci Huguette…
honteuse et en désir suis… vais tenter de vous lire aussi nombreux que possible en fin d’après-midi 🙂
mis belle masse déjà !
quelle émotion, merci
merci Caroline
ils se sont écrit, que c’est beau ces lettres échangées contre le temps… Et les mains devenues des serres qui redeviennent un pouce d’enfant. Le temps et ces tours joue et passe sur les pierres. C’est beau
merci Nathalie
Cette tournure sans sujet, à l’italienne, elle dit si bien le Sud, pour moi. Celle de Paumée, ça fait des années que je te la chipe régulièrement. Me plaît profondément, tu comprends ça ?
me touche … et oui c’est mon côté latin auquel je tiens