Les idées noires s’étaient fatiguées, un peu avant les jambes. Tu t’es arrêtée entre une villa au rose décrépi et l’herbe bordant le sable, tu t’es retournée, tu as dépassé un grand buisson de laurier aux fleurs rouges, et tu as souri à l’idée d’un départ vers tu ne savais où, pour faire tu ne savais quoi… avec une grimace d’auto-ironie, tu avances vers la toute petite gare qui n’a plus connu de train depuis longtemps, qui doit même avoir perdu ses rails (tu ne les vois pas), tu saisis le grillage, tu le secoues un peu, par jeu pour la petite musique que cela fait, mais pas uniquement, parce que tu es en train de renouer avec le jour, avec la raison pour laquelle tu es partie du jardin, avant que la rumination mauvaise naisse au rythme de tes pas, prenne le pouvoir, te détourne. En approchant de la petite bâtisse fièrement dressée en sa décrépitude encore discrète, simple comme un dessin d’enfant, tu as aperçu derrière, ton regard glissant entre les arbustes, l’herbe pelée et le bout de la piste d’atterrissage vide à cette heure et maintenant tu regardes le bas du grillage mais tu sais bien que là tu ne trouveras pas ce que tu cherches ; alors tu continues en balançant un peu plus fort le panier que tu tiens de ta main gauche maintenant que tu as repris conscience de son utilité, longeant les petites maisons auxquelles le grillage laisse la place en s’éloignant un peu et trois ou cinq minutes plus tard tu tournes à quatre vingt dix degrés vers la ville au loin, tu presses le pas en passant devant quelques petites constructions, tu retrouves le grillage, tu continues à avancer un peu, tu sens prendre force l’odeur de vase qui flotte vaguement dans le coin, tu t’arrêtes là où les roseaux s’intercalent entre la route et le terrain de la base, tu te penches, ils sont là les minuscules escargots blancs que tu détaches avec soin, que tu empiles dans le panier et tu souris en pensant au départ demain très tôt avec ton père pour pêcher à la palangrotte.
Mots clés : Hyères, rail, toulonnais
(pas envie de bosser alors je flanque aussi un coup de pied dans le grillage – j’aime aussi ce bruit-là – je suis resté assez enfant) (palangrotte vous dites ?(on me disait « ne vas pas « derrière les rochers »! » vers les 4 ou 5 ans dans l’eau)
la palangrotte c’est un fil avec un ou plusieurs hameçons pour pêcher des petits poissons (ceux de la soupe girelles ou autres) depuis un petit bateau et une école de patience et de non mal-de-mer (on met en panne et on se balotte)
non mais si vous ajoutez girelles je ne peux rien faire non plus… :°)) (merci)(trop joli)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Palangrotte (n’avais pas eu besoin du lien sauf pour l’orthographe.. et zut y a pas qu’à Marseille qu’on la pratique cette pêche)
« parce que tu es en train de renouer avec le jour ». Merci Brigitte qui me parle. Merci aussi pour le panier aux escargots: il fait ressurgir d’un coup le souvenir de ma grand-mère italienne qui allait les ramasser dans un cimetière à Marseille quand elle était jeune fille.
un merci souriant Ugo
Moi aussi, j’ai péché à la palangrotte et les escargots blancs sur les grillages ou sur les tiges de fenouil sauvage, c’est tout le sud pour moi (Collioure).
avons la Méditerranée en commun (mais Collioure est plus beau que Hyères qui n’a pour elle que ses îles et d’avoir fait partie du cadre d’une partie de mon enfance et de mon adolescence)