Les voix des gens qui parlent, un rectangle posé sur leur main, à des voix inconnues et puis toutes les voix écrites qui, en grand ou de tailles variées, avec ou sans illustration, tentent d’attirer notre regard et éventuellement notre intérêt si nous passons outre à l’indifférence, nos préoccupations, l’agacement ou le simple plaisir visuel. Comme l’avions prévu ai tenté de leur prêter attention et du coup ne les ai plus vraiment vues, elles préfèrent appeler, lors ai collecté quelques enseignes et puis AUTOMNE FLAMBOYANT grandes lettres blanches collées sur le bas d’une vitre masquant en partie la jupe ou le pantalon d’ensembles qui n’avaient de vraiment flamboyant qu’un orange et des touches de rouge portés par des mannequins exposés dans une vitrine… Il y avait aussi les messages qui viennent se poser, mis immédiatement à la poubelle, dans mes boites mails… les ai effacés, et puis sur un panneau déroulant sous le plafond de la pharmacie ANTI-AGE D’EXCEPTION – Découvrez la force de l’arbre de Neem mais l’est passé si vite que ne me souviens plus de la graphie exacte ni des illustrations qui sans doute accompagnaient ce conseil lequel de toute façon m’a laissée totalement indifférente. Alors, l’autre jour, ce jour où je me suis refusée à sortir en quête de santé et de collecte, je me suis promenée dans mon fatras d’images, ai réagi à certaines, les ai regardées comme si les découvrais – de fait je les redécouvrais – et on dirait qu’en un petit étalage ou exposition pot-pourri, je les pose ici venant comme le veulent… aux lecteurs de fermer les yeux pour en finir plus vite et fermer le tout, ou de se créer une autre paire d’yeux pour trouver l’image sous les mots.
Il y aurait TROUVES TU TA PLACE, en lettres blanches sur un petit rectangle gris ardoise dont le bord supérieur serait soigneusement enroulé autour d’une corde devant le vert des arbres d’un jardin, « trouves » en capitales soigneusement tracées et centrées, assez espacées sur la ligne du haut, « tu » en capitales plus petites comme écrasé entre la ligne qui le domine et le « ta place » en capitales de même hauteur que celles du verbe mas cette fois un peu déformée, comme dansantes et le point d’interrogation en une belle courbe et contre courbe vient relier le tu à l’espace vide tout en bas || il y aurait CFDT – CGT – FO en lettres capitales oranges (le CFDT est plus petit et légèrement en biais pour tenir même espace que les deux autres) au dessus d’une ligne en majuscules noires occupant presque toute la largeur AMBULANCIER dominant, dépassant légèrement la première ligne pour que l’ensemble soit bien centré UN METIER FORMIDABLE au dessus d’UN STATUT, mêmes caractères, toujours soigneusement centré avec un blanc assez large entre un et statut que suivent sur la ligne du bas, en capitales de même taille, FORT en noir et après un petit espace MINABLE ! en orange, à gauche, l’ensemble étant un peu déformé par la suspension du petit drap blanc, comme celui que l’on peut poser sur le bas d’un corps allongé sur un brancard, accroché avec des pinces à linge sur le grillage clôturant l’espace d’une annexe de l’hôpital et j’avais souri en parfaite sympathie || il y aurait tellement besoin de vous en moyens caractères minuscules au bel arrondi s’inscrivant sur la photo d’un relief antique limité à un visage aux cheveux souplement bouclé et à la bouche entrouverte sur la parole, le grain de la pierre animant le gris doux de l’image installée sur un petit pupitre placé pour le moment devant la porte fermée en bois d’une chaude essence ; le texte s’inscrit en peu en dessous de la moitié de l’image sur trois lignes alignées qui laisse une marge harmonieusement calculée à gauche, le tellement se posant un peu au dessus de l’extrémité du nez, le besoin entre nez et lèvres, de vous entre une mèche de cheveux et le tiers de la bouche d’où il pourrait sorti et l’inscription, l’adjuration laisse libre et impérieux, le regard fixé sur les yeux du passant dont il a stoppé l’élan… dans les cheveux à gauche un relativement petit cercle, comme une étiquette qui serait collée là, porte, légèrement en biais pour se trouver sur le chemin des yeux de ce spectateur qui remonteraient depuis l’inscription principale, quatre lignes, dont les deux premières en petites majuscules blanches sur fond gris indiquent Avignon ville d’exception au dessus de Culturelle en majuscules un peu plus grosses, la quatrième ligne : Résistons ! s’inscrivant en rouge très clair avec une pente plus accentuée… une ligne de petits points blancs descend de cette étiquette jusqu’à un petit cercle rouge un peu dessus du bas de l’affiche portant en petites minuscules blanches am pendant de la mention Avignon en majuscules rouge un peu plus éteint || il y aurait J’ai longtemps travaillé dans la restauration. J’ai maintenant un vrai emploi dans un complexe sportif. J’en suis heureuse, c’est un C.D.I. en cinq lignes de lettres bleues minuscules manuscrites au dessus de la signature Christelle – 40 ans sur un rectangle de papier blanc accroché à une ficelle par une pince à côté d’un autrerectangle (sept lignes et une signature déportée sur la droite, écrites en vert) les quatre premières : On est heureuse quand on fait un travail qui plait, pour lequel on a été formé correctement. un retour à la ligne et puis On est malheureuse quand on a un patron con comme un verre de lampe signé Catherine – 73 ans ; d’un nouveau rectangle blanc accroché à la suite on ne lit que les deux premières lettres de chaque ligne || il y aurait en grandes majuscules manuscrites noires qui semblent maladroites mais sont parfaitement calibrées NOUS AVONS APPRIS A VOLER COMME sur quatre lignes, la dernière s’achevant sur la silhouette d’une hirondelle accompagnée de ces profonds V asymétriques qui symbolisent des oiseaux, suivent deux lignes en majuscules de la même écriture mais plus petites parce que l’inspiration débordait du cadre disponible A NAGER DANS LES OCÉANS COMME DES, la seconde ligne, qui se conclue par un poisson noir schématique domine MAIS NOUS N’AVONS PAS APPRIS A MARCHER COMME DES FRERES ; le tout est inscrit sur le rectangle gaufré de teinte kraft d’un fort carton déplié dont les fentes et pliures des côtés restent visibles et déforment un peu les lettres, fixé en haut d’un manche à balai et se découpant sur le bleu intense du ciel || il y aurait FEMMAGE ELLEA 24 ANS TUEE A AVIGNON EN AOUT AVEC SON CHIEN PAR SON EX quatre lignes alignées à gauche chaque lettre majuscule tracée en noir sur un petit rectangle blanc (l’écart entre les mots a été omis entre le elle et le a sur la première ligne) collés sur les assises tracées dans le béton de la paroi murale de l’entrée d’un petit tunnel || il y aurait JORIS BRANTAS A FAIT CECI quatre courtes lignes légèrement dansantes en majuscules bleu clair (le CECI déporté vers la droite) entourées d’étoiles et cœurs dessinés en jaune sur un carré de papier blanc collé un peu avant le bas, sous un graphe illisible et blanc ombré par places de bleu clair tracé avec souplesse s’élançant comme une fleurexotique, le tout occupant une grande bande verticale d’un rouge sombre peinte sur la moitié d’un mur en saillie de l’alignement d’une rue || il y aurait NOUS AVONS DES ÊTRES HUMAINS ENTRE NOS MAINS en grandes lettres majuscules tracées en vert sur un épais carton kraft pris verticalement en quatre lignes laissant un espace suffisant en bas pour qui soit collé à droite, en dessous, le macaron violet de Sud (en vert sur fond blanc au centre) Solidaires (en vert sur le violet) Santé Sociaux (en blanc suivant le bord du cercle violet) ; le carton percé en haut pour y enfiler une grosse ficelle portée autour du cou d’un homme masqué de bleu clair salué par des sourires approbatifs || il y aurait LES BEAUX JOURS N’ONT JAMIS ETE AUSI BEAUX, huit lignes de capitales rouges au dessin géométrique tracées sur un haut rectangle blanc pris en hauteur et collé sur un panneau d’affichage perpendiculaire à un large trottoir, lettres décentrées vers le haut, peut-être pour donner la sensation d’un élan qui se veut joyeux, suffisamment pour que quelqu’un inscrive sous ce texte en majuscules noires délibérément irrégulières QUE SANS CETTE PUB || il y aurait AIDE SOCIALE A L’ENFANCE ? ASE ? en capitales d’un vert clair manuscrites jetées en quatre lignes (ASE? occupe la dernière) alignées à gauche sur un carton tenu conte une nuque par deux mains noires, au dessus d’un tee-shirt à grandes fleurs vertes et blanches, pour permettre la photographie || il y aurait Je suis un vieux voilier… Prenez soin de moi… merci en lettres manuscrites peintes en un noir un peu trop délayé sur un rectangle de tôle peinte en blanc ponctué sur ses rives de quelques trous, ceux du haut ont permis d’y passer un cordage arrimant cette plaque à une rambarde métallique assez incongrue bornant, à côté d’une chaise de café cannée, la poupe d’une vieille coque démâtée amarrée le long du quai en contre-bas de la rue/route ; sur la partie émergée de la coque noire aux formes toujours harmonieuses, sous le panneau, la même main, semble-t-il, a tracé en lettres blanches un peu plus petites Le passé forge le Futur au dessus de Vivons au Présent.
Merci Brigitte Célérier pour ce défilé des voix écrites. Un manifeste !
L’infinie description offre tant de précisions que la toile s’ouvre lentement devant nos yeux. Est-ce l’évocation d’Avignon qui me met en tête l’image de rues inondées de mots tombés des affiches de spectacles du festival off durant le mois de juillet ?
Des mots pour combattre et changer le monde, merci.
un grand merci à vous trois
Ugo j’ai mis un barrage à celles qui venaient ensuite…
Jean-Luc ai soigneusement évité la multitude d’affiches du off, on peut fabriquer des phrases en jouant avec elles
Laurent, ou croire combattre (comme on peut)
Bonjour Brigitte
Panneaux pancartes affiches nous disent à la fois peu et beaucoup de la vie de la ville. Tu fais vibrer tous ces mots en relevant les interactions avec les lecteurs. Merci pour ce beau moment de lecture !
merci (d’une partie de l’un ou l’autre camp de la ville 🙂 )
« tellement besoin de vous » c’est vraiment joli comme déclaration – « fort minable » c’est dommage – et puis tout le reste nous embarque (merci à vous) (le verre de lampe, je n’ai pas tout à fait compris son état qui s’attribue (dans ce registre) au balai non ? :°)) …)
merci… le verre de lampe pas compris non plus mais m’a plu
M’intrigue ces voix de départ, et d’autant mieux avec cet usage du conditionnel. — Et pourtant, tout est vrai, parce que c’est quand même une épreuve de force ces descriptions. — Et les majuscules et les caractères gras qui font ressortir l’image sous le mot, c’est aussi pour mettre en lumière un texte parallèle ? — « Trop long », ai-je lu sur Facebook, ce n’est pas moi qui critiquerai… — Merci
toujours tendance, avec l’âge 😉 )à tout prendre au conditionnel (ça évite des déceptions ou ça permet de rêver sur le réel)
et les caractères gras transcrivent simplement l’inscription mise ne situation ensuite (suis très basique)