Dans le non-lieu d’un parking, sous un ciel qui ne sait s’il est gris ou bleu mourant, il y a ta couronne aussi souplement frisée que dans ton enfance, ces boucles dynamiques qui maintenant sont blanches, et puis toi. Ce gilet matelassé noir qui dit la dame campagnarde, sur un confortable et vieux chandail de cachemire rose clair, l’épaule un peu remontée pour plaquer un téléphone à ton oreille, l’autre descendant légèrement dans le laisser aller, puisque rien ne compte que l’appareil, un léger ploiement pour accompagner la tête penchée qui regarde le rien un peu au dessus du sol, une ébauche de mouvement d’éloignement de celle qui t’attend, freinée par la douleur familière qui instinctivement contraint ton ancienne souplesse à la stricte efficacité. Mais tout en toi indique le retrait, comme nous le faisions en tenant un téléphone fixe dans une pièce, nous détournant pour indiquer que nous sommes entrés dans un autre univers, là bas, au bout du fil. Ton menton s’enfonce dans une écharpe de coton imprimé d’un camaïeu de fleurs roses, tes lèvres au dessus écoutent, avec une inquiétude tendre qui prépare le mot d’apaisement et les instructions, tes lunettes s’accrochent sur le bout de ton nez, sous les paupières presque fermées sur la douceur verte de tes yeux, trois petites rides dominent ton nez, perpendiculaires à celles que l’attention pose sur ton front incliné. Ta main levée replie ses doigts portant alliance et petite bague sur l’appareil et le cordon blanc qui permet de le récupérer facilement dans le petit sac en bandoulière de deux tons de rouge éteint posé sur ton ventre, les doigts de l’autre main, un peu crispés dans leur abandon par l’attention que tu portes à la voix venue d’ailleurs, montrent la flétrissure qui est notre lot maintenant. Et tu es belle, toujours.
La photo existe mais ne sera pas montrée d’avantage que par ces lignes, de peu de voir les yeux verts devenir noirs (avec raison)
Très beau, très doux. Et pour la photo, tu as mille fois raison, les couleurs ne sont pas ce qu’elles devraient être.
merci (et la douceur du personnage n’étant pas faiblesse, les réactions peuvent être brèves mais brusques)
« ta couronne… et puis toi… belle toujours » et toutes les couleurs de ciel, de laine, d’yeux… et tous les détails minuscules de ce corps au bout du fil sans fil et l’attention d’un regard qui sait
(on aimerait être « au bout du fil » – pour l’entendre – pour lui dire – pour la faire sourire)
Nathalie, Piero merci
Oh oui au bout du fil. Merci Brigitte.
Ecriture chorégraphique, enveloppante, ciselée. Pas besoin d’image c’est vrai. Et les deux lignes pour le dire sont fortes aussi. Merci pour ce moment de lecture !
merci Ugo, merci Nolwenn 🙂
Bonjour Brigitte
Merci pour cette belle et tendre description qui se passe très bien de photo. Merci pour ce beau moment de lecture !
merci
merci
Très belle image proustienne.
oh proustienne ?
oui on voit très bien sans photo – et les mouvements et visages de l’attention à l’autre au bout du fil. ce temps subtil d’entre-deux. précieux.
merci
Quelle description réussie ! Magistrale. Vous avez réussi à faire tout passer. Et le moment du retrait, tellement bien capté et rendu en mots. Merci, Brigitte.
merci
Une photo aurait limité la présence, la puissance évocatrice de ce beau texte
merci pour le beau texte – la photo aurait été un vol (le vol n’était légitime que privé)