Quand j’étais enfant, je prenais le pouce et l’index de chaque main et j’appuyais ensemble les quatre doigts afin de former un petit losange à travers lequel je regardais d’un œil tout ce qui m’entourait. J’avais le sentiment d’avoir capturé le réel en miniature, de disposer d’un lot d’images en tout petit format. Il suffisait de fermer un œil pour ajuster l’échelle du monde.
Le petit village d’Aulon dans les Pyrénées est une terre d’adoption, je n’y ai aucune racine. Dans cet espace neuf, éloigné de mes origines familiales, le temps peut recommencer, l’espace s’inventer comme un nouveau cocon. Il suffit de prendre un peu de hauteur pour saisir le moment de sa naissance. Cachée derrière les grands sapins noirs qui bordent le chemin de la forêt, je le vois sortir de son œuf protégé par l’échine noueuse de la montagne verte. Je me glisse dans la fissure où le paysage garde les marques de cette éclosion, la dentelure délicate des résineux sombres lui assure sa protection, le chemin en serpent au milieu des estives garantit la fuite.
Je choisis de découper dans l’espace la portion de réel qui m’intéresse, celle que je fais échapper à la banalité du reste. Les sapins sont complices, leurs branches feuillues sont comme des coups de ciseaux, la pointe nerveuse qui dessine l’étoile du paysage. On voudrait s’engouffrer dans l’image, régner sur ce microcosme, grimper plus haut encore, franchir d’un bon la vallée, courir sur le chemin en zigzag, enjamber d’une traite les ruisseaux, gravir à genoux le pierrier pour découvrir, essoufflée, au bout de la course, une vie minuscule qui s’offre comme un grain de raisin.
Me fait penser à Aulus de Zoé Cosson.
L’environnement capturé tout en poésie qui se fait complice de l’imaginaire. On a envie de faire ce voyage avec vous. Merci beaucoup Olivia.