La jeune fille si triste avec ses cheveux élégamment voilés de crème parle en Urdu à l’autre (sœur ? amie ?) cheveux noirs en queue de cheval, leur crainte qu’on puisse comprendre le détail de leur conversation pressée et inquiète leur fait tourner la tête à intervalles réguliers vers les autres occupantes de l’ascenseur.
Le chat écrase dans un des bacs de compost du petit jardin partagé.
La caissière indienne du Franprix aime bien parler anglais.
L’angoisse de mort dans les yeux du fils du Roi quand il s’absente une seconde à la terrasse, le regard vers le haut de la plus grande tour ou vers le bitume sale, sa trace persistante quand il répond « Très bien » à l’inquiétude qu’il provoque.
Les voitures garées le long du trottoir, leur banquette arrière, en particulier, raconte à chaque fois une histoire incohérente avec celle qui la précède et celle qui la suit.
Les enfants achètent pour trois sous de bonbons à la boulangerie avec des finasseries et des hésitations d’investisseurs.
La volière des conversations d’Asie sous le Magnolia du Roi.
La bibliothèque inondée, sans relation pourtant avec la borne à incendie qui se trouve déchenillée à chaque épisode de chaleur dans la rue d’en face, geyser des petits enfants.
Les nouvelles barrières autour de la terrasse requièrent pour rester debout la plus grande diplomatie du Roi et de ses fils avec les chauffeurs de poids lourds du carrefour, leur savoir-faire pour leur procurer, avec force gestes, des laissez-passer.
Pendant le trajet qui mène de la maison à l’école, elle a dit : « On se croirait en Hollande, ici ».
Le type habillé comme un prince des mille et une nuits dans l’ascenseur propose systématiquement du fric pour sleep with, avec l’air anodin qu’il aurait pour demander à quel étage on s’arrête.
(quel panache ! on se croirait aux Quatre Chemins – les clés du Royaume… et cette diversité dans les pourparlers) (à quand un bâtiment « aux grandes femmes la matrie reconnaissante » ?) (extra)
Je me dis qu’avec ton aide (ou simplement ta fréquentation), je vais parvenir à amasser à ce carrefour qui m’est si cher et si pauvre.
Ces éclats savoureux de vie, multipliés par centaines quand on marche et observe la ville, oui vraiment l’effusion qui forme fusion d’un ensemble, ce panache des « Quatre-chemins » évoqué par Pierre, c’est la ville que je préfère arpenter et voir (glaner plutôt), la déambulation des yeux fabrique des clichés très précis très clairs dans la tête, restituer cela, avoir su faire voir (avec une dimension sonore qui en jaillit tout naturellement), c’est très fort Emmanuelle
Merci Françoise de ton fort soutien, encore renouvelé ces derniers jours. Ce « terrain » des Quatre-Chemins, il m’importe beaucoup et c’est une tristesse récurrente de voir qu’il reste le parent pauvre de mon écriture.