On était arrivés de nuit, après avoir payé le solde de la location à un factotum mal luné, on avait posé les bagages et remisé au frigo les restes du voyage éparpillés dans les sacs à dos fatigués. On s’était étonnés de la douceur de l’air, des fenêtres grand ouvertes à deux heures du matin, au mois de février quand même, ça fait bizarre. On avait posé nos portables sur le bord de la fenêtre, dans un recoin de placard ou sur la table de nuit, sans savoir qui aurait eu la meilleure idée. Le matin j’ai su la première que c’était moi, d’un lever de paupière j’ai su, le meilleure angle, la meilleure prise de vue, c’était moi qui l’avais, direct, sans avoir besoin de bouger. Clic et reclic, en mode silence pour ne pas embêter les autres, les corps encore glissant dans les méandres du sommeil, les esprits dans les limbes, les bouilles emberlificotées dans les draps trop chauds. Cette douceur des vacances qui commencent.
Les nuages se sont emparé de l’horizon, c’était gris et doux, un peu tristouille peut-être, mais quand même, doux. Le soleil a teinté d’or les deux extrémités du rideau. Un souffle tranquille berçait le palmier près de la piscine. Le soleil s’est levé sur le premier matin, mil idées se sont glissé entre la couette et mes pensées. Tout doucement laisser monter le désir, ne pas tenter de faire place aux sentiments contradictoires – ne rien chercher d’autre que la survenue de ce qui doit être – amour ou dédain, folle envolée de joie ou sage attente d’un peut-être. Ce matin comme une rose au milieu d’un champ de trèfle, douceur et volupté dans un océan de fraîcheur.
Et puis tendre la main, ouvrir un autre espace-temps. Écrire sur l’iPhone exige patience et persévérance – exercice nécessaire à la bonne marche de l’univers, tout du moins de ma vie. Écrire au fil d’un clavier improbable, aimer l’idée que les stylos trépignent mais doivent patienter. Être intriguée plutôt qu’agacée par le correcteur orthographique – bien que quand même une bonne chiquenaude mentale surgit un mot sur deux. Aimer la contrainte technologique plutôt que s’en énerver. Croire que de ces tâtonnements incertains pourra naître quelque chose. Sans naïveté ni présomption de talent. Juste noter un peu dans l’urgence pour ne pas oublier le flux et risquer ensuite de tout perdre dans les méandres de l’oubli. Appuyer sur le bouton rond, encore une fois, une autre encore, et puis éteindre tout, la connexion, l’appareil, fermer les yeux et savourer. On se souviendra plus tard, pour l’instant, merci d’être là.
Lanzarote 17/02/19
Bonjour Gwenn
Voilà une belle description des « alentours » de la photo !
Merci.
Un voyage doux dans les souvenirs. Je me suis laissée bercer! Merci
comme c’est doux, cette sortie du sommeil avec le paysage dans l’entrebâillement
j’ai appuyé avec toi sur le déclencheur sans réveiller les autres
la photo oui, écrire sur le téléphone je déteste avec mes mains fantaisistes (sur l’ordinateur j’arrive à corriger à condition de prendre du temps la plupart de leurs initiatives étranges) – qu’importe, image et texte disent bien le premier matin (c’est toujours le premier matin même quand il ne diffère que peu des précédents, plus encore s’il est en autre lieu)
Que c’est bien raconté ! Merci de nous emmener dans cette petite chambre de vacances et de nous faire vivre ce réveil et ce paysage.
merci pour vos doux mots.
ne suis pas très loquace sur vos propres publications, que je peine à suivre en intégralité tant elles sont pléthoriques…
merci et bravo pour vos textes, j’aime être des vôtres 🙂 !
Très émue par vos deux textes (le dialogue précédent, et puis cette évocation nocturne en sourdine…), on vous lit comme une voix accompagne et chuchote un secret ultime au petit matin, c’est si bien narré, tout en délicatesse et quête d’exactitude, une forme crépusculaire d’écriture