Le chemin qu’il empruntait tous les matins, seul au volant de sa Mercedes, aurait facilement permis d’attenter à sa liberté. L’étroite montée Saint Charles qu’il devait descendre au bas de la colline de Cimiez impose toujours un arrêt avant de rejoindre le boulevard Carabacel. A cet endroit précis, l’opération était jouable. Le braquer, l’enlever, le prendre en otage, lui faire publiquement avouer comment il s’était approprié le titre du quotidien Nice-Matin au détriment des Résistant(e)s du mouvement Combat évincé au profit du Mouvement de Libération Nationale et des socialistes de la SFIO ? Souvent cette idée folle de s’en prendre au tout puissant patron du syndicat national de la presse quotidienne régionale traversait ma tête. Une pensée saugrenue, un fantasme d’action directe, un romantisme terroriste que le souvenir des dernières résistantes du mouvement Combat, acharnées à défendre leurs droits, attisait chaque fois que je plongeais dans les zones d’ombre de ce passé. Jusqu’à l’arrêt de la Cour de Cassation, le 14 mai 1979, rejetant l’ultime pourvoi formé par la société Combat de Nice et du Sud-Est, le « Cobra » a craint les anciens membres du réseau Combat. Intitulé Citizen Bavastro, le chapitre III d’un livre publié en 1982, raconte dans le détail comment le simple rédacteur du collaborationniste L’Eclaireur de Nice,nommé en 1949 directeur général de Nice-Matin, parvint à devenir l’un des plus puissants patrons de presse de l’ère giscardienne. A la sortie de ce bouquin, le « Cobra » chargea trois avocats de trouver les moyens d’en empêcher la diffusion. Ils ne trouvèrent rien de diffamatoire, rien de contestable devant un tribunal. Tout ce que j’ai écrit est vrai. Les faits sont les faits. Ils sont têtus même si la googlisation de Michel Bavastro laisse croire, quatorze ans après sa mort, qu’il a participé, à la Libération, à la création du quotidien Nice-Matin sur les bases du journal « Combat », l’une des publications de la Résistance.
Mots-clés : 2018, Large, Hiver, Littoral, Grande ville, Pays niçois.
Texte foisonnant de faits avérés avec une mise en scène efficace.
Je suis entrée dans la tête de celui qui rêve de “tuer” le Cobra…
Est-ce lui qui a écrit le bouquin ?
Beaucoup de collabos se sont fait un passé de résistants et pour certains jamais remis en question !
Quelle tension dans ce texte en surplomb! ( c’est vrai qu’un petit braquage aurait pu… ) Merci Ugo
Merci Michèle, merci Nathalie de vos regards. En surplomb, oui. Rapide, sur le passé toujours collant.
ça cogne fort pour une image de paysage… (bizarrement, j’ai pensé à la fin (il s’est noyé tout seul) de l’immonde Menguelé) (extra j’adore)
bravo pour la concision et la force – oui tout ce qui est sous l’image de « notre midi »
Haletant, le texte nous en apprend déjà beaucoup, et donne envie d’en savoir encore plus !
Merci Piero, Brigitte, Laure de vos retours. A ma grande surprise, je découvre que l’ouvrage auquel je fais allusion, Nice, la baie des requins que j’avais écrit avec Michel Franca pour les éditions Alain Moreau en 1981, à fait l’objet d’une réédition numérique par la société FENI XX condamnée par la décision de la Cour de justice de l’Union européenne en novembre 2016 pour non conformité à la réglementation sur le droit d’auteur. Le bouquin en question est ainsi disponible au format pdf ou en version e book via Amazon ou sur le site de cette société de réédition numérique des livres indisponibles du XXeme siècle: https://www.fenixx.fr/livre-nice–la-baie-des-requins?q=Jean+Grozier&u=kiosk#content
formidable suite déployée d’une image !!! on ira lire (et merci à toi)
Non, non Piero ne donne pas un centime à ces voleurs qui ne respectent pas le droit des auteurs ni l’orthographe de leur nom. Il me reste un exemplaire de l’édition papier, à feuilleter sur place autour d’un verre à l’occasion de ta venue dans mon île.
Sur l’imbroglio juridique de ces rééditions non légales, voir: https://fr.wikipedia.org/wiki/FeniXX_réédition_numérique
oh je découvre, merci Ugo, et d’ailleurs je viendrais bien moi aussi feuilleter ce livre lors d’un prochain voyage