venus pour les vacances d’hiver, une semaine à Notre-Dame-de-Bellecombe, Savoie. La neige est tombée drue, avec des lames de froid sous les anoraks, les membres engourdis malgré les mains gantées dans les poches profondes, et le vague à l’âme, une sorte de mélancolie tenace comme un brouillard épais impossible à dissiper. Heureusement, c’est le moment du retour dans la Peugeot 309 gris métallisé. Sur le siège passager, la mère s’apprête à feuilleter son Femme actuelle. À l’arrière, la fille porte un sweat blanc, un pantalon imperméable, la doudoune sur les genoux. Dans ses oreilles, les écouteurs étouffent le bruit du moteur, le murmure de l’ennui. Le père (il est comme ça le père) a baissé la vitre et salue ces deux-là, au dehors, qui déblaient la neige pour faciliter le passage : un type un peu vieux, d’au moins quarante ans, et un autre plus jeune, son fils on dirait, son âge à elle, avec des cheveux, et puis des yeux : un brun avec le regard. Elle n’est pas du bon côté, ne montre pas le meilleur profil, celui qui fait le nez droit, lisse au mieux la rondeur de la joue. Jamais du bon côté. Elle fait semblant de ne pas voir celui-ci qui l’aveugle (à moins que ce ne soit l’éclat conjoint de la neige et du soleil), irradiant comme l’autre, ignorant sa présence derrière le carreau, souriant au père qui, bavard intarissable, s’intéresse, se raconte, et ça n’en finit pas. Quelle heure est-il ? Quand sera-t-elle chez elle ? Au moins huit heures de route. Et que fait l’autre là-bas, au-delà des montagnes, qui ne la voit pas davantage ? Dans ses oreilles, un doux rebelle fait le vœu d’un duel au soleil avec une qui n’est pas elle. A l’arrière de la voiture, dans son sweat blanc, enfouie sous la plume d’oie, elle imagine ce que ce doit être quand un autre vous voit, et se demande combien elle en verra encore, des comme ça, qui ne la verront pas, tandis que le moteur
#Hiver, #Neige, #Fermes, #Beaufortain
Extrait comme véritablement d’un récit plus long, avec ses pans de phrases restés ouverts sur des spleens adolescents. Bravo d’avoir joué le jeu jusqu’au bout du texte tronqué.
Merci beaucoup Perle pour cette trace laissée au passage
Un peu de spleen dans la neige = un grand plaisir à vous lire ici !