La dernière fois ça n’avait duré que dix minutes mais là, ça faisait déjà vingt minutes qu’elle attendait sous le séchoir. Les oreilles écarlates, le crâne piqué d’épingles pour la mise en plis hebdomadaire, elle suçotait un bonbon à la menthe, le sac coincé entre les fesses et l’accoudoir du fauteuil. Quand la journée commençait de travers, il n’y avait rien à faire, ça s’enchaînait et voilà que même la coiffeuse s’y mettait en l’oubliant sous le souffle chaud du séchoir électrique. Et la mère Dupont qui enquiquinait tout le monde avec ses histoires sans queue ni tête. Ses yeux slalomaient du magazine froissé à la fine montre qui brillait à son poignet.
Un beau cadeau qu’il lui avait fait là. Et même si cela remontait à Mathusalem, elle se souvenait très bien des circonstances rocambolesques du présent. Alors qu’elle s’exclamait devant la vitrine, elle l’avait vu entrer chez le bijoutier d’un pas décidé et parler à la vendeuse en la montrant du doigt. Elle avait rosi de plaisir, quand il était sorti avec un petit paquet noir serti d’un ruban doré. Il lui avait simplement remis et ils avaient continué leur balade en ville. Plus tard, à la terrasse d’un café, elle l’avait ouvert de ses mains tremblantes et il lui avait attaché la montre au poignet d’un geste tendre. Elle ne l’avait plus quitté.
On pouvait dire qu’il savait y faire avec les femmes. Et bel homme avec ça. Ils formaient un si beau couple. Elle n’aimait pas trop quand les souvenirs la prenaient à l’improviste, on n’était pas à l’abri d’un petit coup de déprime. Elle fouilla dans son sac, en retira le mouchoir brodé à ses initiales qu’elle gardait toujours dans la petite poche intérieure. Il fallait éponger avant que ça se voit. Elle n’était pas du genre à raconter sa vie comme la mère Dupont, elle. Ah ça, non merci ! La lumière du début d’après-midi entra par la porte vitrée. Si ça continuait comme ça, elle n’arriverait même pas à temps pour son feuilleton.
Un vrai bonheur de lecture et « le mouchoir brodé à ses initiales »… J’adore !
Merci !
Merci, Marie de votre lecture enthousiaste ! Également un plaisir de vous lire.
les épingles, le casque, il ne manque plus que l’odeur de la laque, on y est chez Marie-France, et qu’est-il devenu ce généreux donateur?
Mais oui!! l’odeur de la laque, c’est ce qu’il manque !!!
Malheureusement, pas assez de place pour le donateur.. peut-être un idée pour une prochaine image!
Oui on s’y croirait chez Marie-France, très réussi !
Merci Muriel de votre passage ici.