Il m’a dit de regarder la terre autrement. Il m’a dit de la regarder d’ailleurs. Alors j’ai pris la pièce où je vivais, mon bureau, ma chaise en bois, des stylos, des crayons, des feuilles blanches de papier et nous sommes partis. Moi et tout ce qui vivait autour de moi, ce que je gardais à portée de mains, quelques uns de mes livres, un dictionnaire, une lampe en cuivre, nous sommes allés là où on voit la terre autrement. Sur les maigres jambes de notre quête, nous avons parcouru les routes, traversé les forêts, franchi les montagnes. Le vent, parfois, nous faisait trembler, on avait peur d’être emporté, la pluie nous menaçait, le soleil nous brûlait, mais il m’a dit que rien ne pouvait m’arriver. Que rien ne pouvait m’arrêter. Lorsque nous sommes arrivés à l’océan, il m’a dit de continuer. Je lui ai dit que c’était dangereux, qu’on pouvait se noyer dans les flots immobiles, que je pouvais tout perdre, mes souvenirs d’enfants, mes rêves d’adultes, mon envie d’écrire. Il m’a dit que je n’avais rien à craindre. L’eau était froide et nos pieds s’enfonçaient dans le sable. Nous avons avancé jusqu’au moment où je lui ai dit que je ne voyais plus la terre. Je ne voyais qu’une vaste étendue d’eau en-dessous d’une grande ligne horizontale qui la séparait du ciel. Alors, il m’a dit de me retourner. J’avais la terre devant moi, je la voyais autrement. Nous sommes restés de longues minutes comme ça, sans bouger, à regarder devant nous. Et puis, la photo de mes amis que je garde toujours sur mon bureau a commencé à murmurer, des souvenirs oubliés revenaient à mon esprit. Le dessin que ma fille m’avait offert quand elle était à l’école primaire m’a raconté une drôle d’histoire avec un vieux monsieur tout triste et une maison qui marche. J’ai pris un stylo, une feuille blanche de papier et je me suis mis à écrire la vie de l’homme qui pêchait dans le ciel.
Légende photo : Saint-Michel-Chef-Chef
Mots clés : 2019 – Été – Chasse et pêche – Bois – Pays de Retz
Photo Nelly Monnier & Eric Tabuchi, Atlas des régions naturelles
Poétique et presque mystique expérience, beau texte, merci.
Merci Perle.
Merci pour ce texte, il inspire.
Merci Simone, très touché.
Magnifique poétique et initiatique ! regarder la terre autrement…bravo JLuc !
Merci Michèle. Né, sans aucun doute, de l’envie pressante qu’on a tous de, parfois, changer de point de vue.
très belle invitation au regard
Merci Nathalie. Avoir envie de changer de regard, une invitation à écrire.
Très beau conte. Une envolée bien au delà des mots.
Merci Jean-Luc.
Merci Marie. Une envolée, c’est ça.
Salut Jean Luc. C’est bien beau !
Merci Bernard. Touché.
il n’y a pas que la photo qui parle donc…
J’ai même l’impression qu’il y a du monde qui parle…
C’est allongé sur l’eau les yeux au ciel que le continent se voit flottant… Un conte ?
C’est vrai, ça ressemble à un conte. À dire vrai, pas très étonnant, je travaille sur ce type d’écriture en ce moment. Merci de ton passage.
oh cette dernière phrase…
Je me dis qu’on devrait souvent n’écrire que des dernières phrases. Merci Brigitte.
Bien sûr touchée car c’est chez moi…
et je la connais, cette pêcherie ! mais le texte nous emporte ailleurs…
formidable, j’aime !!
« la vie de l’homme qui pêchait dans le ciel. » comme c’est beau. Beaucoup d’espace, ciel et eau, dans ce texte et comme d’autres, je perçois une dimension initiatique, presque mystique.
Encore une fois tu nous emmènes très loin.