Y revenir. Encore. Nous n’avons que ça en tête. Le pouvoir d’attraction qu’exerce la vieille bâtisse, quand bien même son état de grand délabrement, même (ou surtout) le danger encouru en franchissant son seuil. Rien n’effraie. Rien, aucun fantôme, personne ne hante mieux les lieux que nous.
Tenir l’espace, enserrer chaque détail, encore. C’est objet de désir dans son saisissement. C’est curiosité et bouillonnement. L’imagination recrée une vie passée qui a délaissé toute chose, qui nous désigne comme visiteurs nocturnes. Nous cherchons ici un trésor dans la profusion des démantèlements, des panneaux arrachés, des plafonds crevés, des planchers écroulés. Foisonnement d’un chaos qui dit davantage qu’un simple désordre, dit des existences qui ici se sont succédées.
L’obscurité s’incise que nos lampes frontales crèvent et survient la surprise renouvelée de l’entrée, jadis vaste, désormais dévastée. Qui crois-tu s’est aimé ici ? Qui y a dormi ? Qui a descendu l’escalier éventré ? Qui venu en train depuis la gare qui fait face ?
Je cherche la lettre. Une lettre ancienne, de confidences et de secrets à jamais tus. La lettre, je l’ai rêvée. Je ne l’ai pas encore trouvée, c’est pour ça que je reviens sans cesse.
Travelling dans l’ombre, dans l’autrement visible, bousculé de mouvements perceptibles. J’accumule les preuves à charge de passages, d’âmes égarées. Le regard dévie, hésite. Vision agacée par l’écart encastré, l’air brusquement rayé d’une toux. C’est poussière de plâtre et saletés qui s’accrochent aux bronches. C’est aussi manière de se donner une contenance, rassurer la petite peur qui défibrille. Il y a matière à se taire mais je déchire un peu plus le silence. Ton chut n’y fait rien. Tout mon corps grince qui pourtant s’agrippe aux parois immenses, aux tentures mitées.Le concentré d’adrénaline gonfle sous la peau, nous fait paraître plus forts, amplifiés. Chaque fois est courir un risque plus grand. Chaque fois, j’abandonne, j’oublie : tout.
2022 ; Hiver ; 9-29/01/22 ; Hôtellerie ; 1850-1918 ; Vestige ; Calcaire ; Ardoise ; Saintonge romane
Bonjour Perle,
Magnifique, à la fois du réel et du texte de genre, et aussi ce mystère de l’intime, très réussi, et le corps qui se fait maison perdue…
Merci beaucoup.
Bonjour Perle,
L’oubli comme ultime refuge…je suis d’accord…
C’est une lecture possible, puisque narration partielle, tronquée.
« Nous cherchons ici un trésor dans la profusion des démantèlements, des panneaux arrachés, des plafonds crevés, des planchers écroulés. Foisonnement d’un chaos qui dit davantage qu’un simple désordre… » nos « Cerisaie » de plâtre mort. Merci.
Autre lecture possible. C’est ce qui est intéressant avec ces textes parcellaires, fragmentés, autant de visions différentes.
l’ombre du nous en rajoute aux débris du désir …
oui, Jacques, joliment dit.
Ton écriture est vraiment belle, j’ai l’impression d’avoir une multitude de saveurs et de sensations qui se bousculent dans ma tête. J’aime beaucoup.
Merci beaucoup. Manque les odeurs. Mais j’ai restreint, je dépassais le nombre de signes alloués.
(on se croirait dans l’hôtel de Xavier G., en face de la caserne,là – à côté de la gare donc) (et pourquoi pas ?… attention quand même)
Je crois que je n’ai pas « la ref ».
« jadis vaste, désormais dévastée » , très beau texte
Merci beaucoup
toute la quête mystérieuse, la curiosité et le frisson..
oui, le frisson, le danger
Très beau texte qui dit si bien le délitement des choses, la vie qui passe, le mystère de nos quêtes.
Merci Muriel !
Photo et texte tellement en écho. L’écriture si poétique pour décrire la dévastation, l’imaginaire, la peur. Et cette fin qui me désarme, l’oubli.
Merci, Perle. Oui, combien d’histoires différentes nous sommes-nous construites à partir de ton seul texte ?
Oh, je n’avais pas vu ces derniers commentaires. Merci à toi Anne, et tant mieux pour toutes ces histoires que nous faisons naître les uns les autres.