Elle descend le chemin sinueux presse le pas dès qu’il est en vue, elle va vivre quelques heures dans un état d’harmonie intérieure qu’elle ne retrouve jamais ailleurs. Une poussée subite une envie irrépressible d’être seule de se dénouer, elle n’en parle à personne comme un secret à garder jalousement, si elle le racontait cela deviendrait anecdotique une lubie elle ne veut surtout ni éveiller la curiosité ni entendre des commentaires, ce ne doit être que son affaire. À son dernier passage elle a installé une table une chaise un fauteuil défoncé des bougies quelques boissons et biscuits. Elle l’avait déjà remarqué enfant et depuis des liens invisibles s’étaient construits avec cette bâtisse altérée par le temps toujours entourée d’un anneau d’herbe protectrice mémoire de colombine sur un terrain aride. Rendez-vous avec elle-même rendez-vous avec les disparus puis retour rasséréné avec les vivants. Regarder ici avec tendresse tous les mouvements toutes les lumières tous les sons sans filtre ni distorsion. Voir plus haut dans le ciel grimper à l’échelle malgré les barreaux délabrés se retrouver sur le toit-terrasse et plonger dans le panorama offert imaginer un singulier déploiement d’ailes fragiles. L’air murmure en traversant les murs ou rugit lorsque le vent se déchaîne, la pluie ruisselle suinte juste derrière l’échelle mais peu lui importe. Elle aime tant les oiseaux. Elle ressent l’énergie des voyageurs messagers qui ont longtemps vécu là et adopté le trou d’envol. Elle s’approche des murs si près d’elle elle observe les couleurs différentes les aspérités les fissures découvre des cartes de pays imaginaires. Puis elle se déplace en contemplant les boulins où elle dépose des livres ou imagine pénétrer dans des grottes énigmatiques. Sur le pas de la porte elle voit le ciel sans perturbation lumineuse. Elle écoute les bruits de la nuit. Elle entend la sourde voix de la mort toujours agrippée à son épaule, compagne à l’affût. Elle perçoit les battements de son cœur allégé bien rythmé. Une acceptation sereine de l’issue inéluctable dans ce pigeonnier du Minervois.
« Elle entend la sourde voix de la mort toujours agrippée à son épaule », quelle belle évocation
merci Catherine de votre écho
Merci pour le partage de ces liens invisibles avec cette bâtisse, vos rendez-vous secrets. Une confidence émouvante toute en poésie…
Merci beaucoup Marie de votre appréciation, de vos mots qui me touchent
apaisée sans doute… (très beau)
apaisée par ta fidèle lecture !
Que c’est beau ! Je n’imaginais pas à quel point je serais présente à ce lieu, dont je n’ai qu’une photo au départ, comment tu m’y fais entrer, m’y installes et fais agir sur moi le lieu, les murs proches, la vue… « Imaginer un singulier déploiement d’ailes fragiles » Merci, Huguette.
merci à toi Anne de ce commentaire
ce lieu est devenu un point d’apaisement à partager
on a envie de s’y installer dans ce pigeonnier, d’ouvrir le carnet d’écriture ou le livre qu’on a dans sa poche…
des liens établis depuis longtemps
ça réveille en moi l’image d’autres lieux…
ce qu’il reste à faire, imaginer un pigeonnier ou tout autre lieu qui nous parle et partir en solitude, écriture et rêverie apaisante
Très belle évocation du contexte de ces « rendez-vous avec elle-même rendez-vous avec les disparus », une sorte de méditation et de présence au monde.
je retiens « une sorte de méditation et de présence au monde. »
merci Muriel de ces mots