Photo appui : paysage de moyenne montagne au Monastier-sur-Gazeille, une jeune fille assise non loin de sa moto, par Nelly Monnier et Éric Tabuchi, 2018 Ensemble Hiver Scène Velay https://www.archive-arn.fr/liste
ensuite je retraverse le village et m’enquille le chemin. Ça te plairait pas de le voir tout recouvert de mâchefer. Tu aimerais pas tout ce sombre sur lui. Au bout, toujours assez de place pour faire demi-tour. Un s’est d’ailleurs pas gêné pour venir balancer ses gravats au pied du poteau, en bordure du champ en contrebas. Ça aussi, certain que tu aurais pas apprécié. Pas tranquille pour ma virée du souvenir : une déjà là avec sa moto, à patienter. Bien trop jeune ; tu ne l’as pas connue. Peut-être ses grandes sœurs ou ses grands frères ? Elle, sans doute un peu inquiète de me voir débarquer. On s’observe, je la salue, c’est tout. Je photographie. Ciel chargé de gris. Elle ne bouge pas. Pas vu son casque. Je me retiens de faire une remarque. Pensé à ce que tu m’aurais envoyé toi, en retour. Alors, ils viennent toujours là les jeunes du village pour se retrouver à l’écart, au bout du chemin en cul de sac d’où la vue porte et où on voit venir de loin. Pas très intime, d’autres coins pour ça, mais tranquille pour papoter, rigoler, fumer, boire, regarder et écouter les vidéos sur les téléphones et les enceintes, acheter en ligne, raconter la semaine passée à l’internat ou plus rare, les dernières vacances – combien de fois cette promesse de partir un été tous ensemble à la mer ? Parfois aussi, les concours de roues arrières et de dérapages sur les graviers, les bidouillages sur les moteurs. On emmerde personne, personne pour nous emmerder. Toujours ça ici pour les jeunes du village. Combien de fois venus pour te chercher et te dire de rentrer, qu’on t’attendait et toi de râler, de leur dire que tu reviendrais bientôt et nous de te voir tirer la tronche d’ennui et de colère. Tout ça qui remonte ici mais toi, tu reviens pas. Juste cette autre-là, à attendre. Partir, partir d’ici sans toi avec la photo et savoir qu’on ne reviendra plus et toi non plus. Alors continuer vers où tu
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Un fragment comme un morceau d’écorce. Avec des arêtes vives. Un fragment qui sublime ce qui n’est pas écrit. Heureux de te relire.
Oui, rude, rugueux et poignant.