Je suis la tôle ondulée et je sais les regards méprisants des passants pour mes courbes sans surprise, froides et grises et pourtant. J’abrite tu l’ignores bien plus d’histoires et de vies que tu ne saurais jamais conter. Sous mes pentes protectrices une boîte rouillée emplie de trois générations d’enfants moi seule sait combien sont venus y déposer un caillou à la terre délicatement prélevé lors de jeux les dimanches lorsque la grand’tante proposait un cache-cache vous avez le droit d’aller dans la caravane de papy les regards brillaient j’en garde la mémoire et la boîte métallique lourde de souvenirs et de cris de joie et un vase, ébréché. Il faut le garder, précieusement je le garde et que glisse le temps sur mes grises vagues mon terrain est immense de vies entières je suis la mémoire je suis la preuve de ce qui s’est écoulé, gardienne de ce qui viendra tu ne vois toi que la beauté désincarnée, détourne le regard va, à moi revient l’histoire. Je suis les rides du paysage, d’un monde que tu n’oses pénétrer, surfaces planes tu préfères, lisses va, à moi reviennent le grain, les aspérités, le fourmillement, le vivant, toi passe, passe, regarde droit devant les avenues les lumières les enseignes passe, à moi viennent seulement les pas prêts aux chemins de traverses, les yeux qui ne sont pas aveuglés, sous ma protection viennent chuchoter ces âmes-là, pour un café, un verre de vin, une cigarette, je les écoute, je les invite à continuer. Un homme est là, un peu de boue sur son pied droit, un soupir et une veste éraflée avec lui une femme, un sourire et le dos courbé, ses mains ont tenu un foyer, retenu tant de chutes, fait quelques pas, se penche et comme attirée dépose une pierre, minuscule qu’elle a caressée de la paume de la main, dans ma boîte rouillée, elle et moi seulement le savons, le deuxième qu’elle y met.
ce caillou à la terre dans l’embrasure de tôle et les mains qui ont retenu tant de chutes me font rêver
Merci Nathalie, souvent les mains me font penser à ça.
Un flot d’histoires déroulées avec ce rythme qui enserre les sensations, les souvenirs, jusqu’à les rendre douloureux. J’aime beaucoup.
Merci JLuc pour ta lecture
Très touché par ce texte, parce qu’il célèbre la vie dans tout ce qu’elle a de cabossé, de rugueux. « Je suis les rides du paysage, d’un monde que tu n’oses pénétrer »: ça me parle.
Merci Franck, c’est important pour moi ces délaissés qui sont pourtant aussi importants que d’autres lieux. C’est d’ailleurs le principe de l’atlas finalement 😉
chère Rebecca, c’est un texte très fort, très émouvant
je me sens farouchement proche, et ce que tu écris sur les mains qui ont retenu tant de chutes
tout ce qui peut pousser
dans les mains
peu importe la rouille et les gondoles
merci vivement pour tous ces gestes qui parlent
Merci Françoise et vive les vies gondolées 🙂