Jean-Louis Trintignant a trouvé son éternel espace jeune, éternelle jeunesse sur 35 mm, sur copies numériques. Eternelle jeunesse de la voix dans son espace sans issue, son impasse corporelle. Bande-son intacte. Et hors-champ une portion de ciel à emporter.
Il s’en fout, Jean-Louis Trintignant. Il vit ailleurs qu’ici. Il a suivi l’itinéraire conseillé, pas celui d’un enfant gâté. Il a emprunté des passages successifs. Il n’a pas écouté les sirènes mais les alarmes. Il a su naviguer en eaux troubles et rien n’a débordé de ses bordures. Rien ne borne, il suffit de s’ouvrir.
Peut-être que les caméras, ça conserve. Peut-être que les films, ça protège. Peut-être que la poésie, que l’art, que la littérature. Peut-être qu’on ne reste pas aux portes de Rome puisque tous les chemins y mènent.
Jean-Louis Trintignant c’est réussir. Même après la mort. Il a trouvé un parking privé, parking éternel pour voix éternelle, garée au meilleur endroit possible. Pour moi, Jean-Louis est garé à la poitrine, côté gauche. Bien épinglé comme un pin’s de la meilleure espèce : sans disparition possible. Mobile à jouer sur grand écran, bobines jamais vide dans la cabine du projectionniste.
Je ne m’appelle pas Jean-Louis Trintignant mais je n’ai pas besoin d’utiliser un tachographe ou un odomètre pour mesurer mes déplacements. Je n’ai pas besoin de connaître la distance parcourue entre moi et moi pour savoir que je suis toujours à la même place. Toujours et depuis toujours vissé aux mêmes panneaux, face à mes propres interdits. Ma signalétique c’est mon squelette, ma roche à monter, ma roche-mère dans laquelle puiser. En diagonal. Mes aménagements intérieurs, indicateurs routiers limités à ma propre parcelle, clôturée de mes cicatrices.
Moi aussi, comme Jean-Louis Trintignant, je suivrai le sens unique de ma voie, je connaîtrai le parking très privé du cimetière, je serai en livraison gratuite, sans pvc ni pierre tombale. Ou jeté aux ordures ménagères, ou à la terre d’ici, entassement de cendres avec mulots morts et plantes bouturées, avec insectes fouissant et arbustes comme vigne en pépinière, comme olivier d’ornement.
Je n’ai pas suivi la consigne du protocole, je suis un peu passée à côté, j’ai seulement utilisé les mots glanés pour écrire, les réimpacter dans le texte.
éternelle c’est pas complètement sûr – ça n’a qu’un temps, disons (surtout vers la fin, disait l’autre hein…) – mais c’est quand même réussi… (c’est plus facile avec quelqu’un qu’on aime aussi)
si-si, éternelle la voix et le visage. La force du cinéma…
Bonjour Perle
Un beau chemin de traverse que tu empruntes là, dans la compagnie de Trintignant qui plus est. Merci beaucoup pour ce beau moment de lecture !
Merci, c’est cette compagnie-là qui justifie la traversée.
Beaucoup aimé la montée en puissance poétique du texte.
Merci, Betty