un jour entre chien et loup les étudiants du cours de Francesco C. nous suivent à leur tour le long de descentes et montées tantôt verdoyantes tantôt caillouteuses pouvant déjà laisser deviner des lumières éparses dans un lointain maquillé de bleu de mauve et d’orangé s’organisant en dessous en nappes circulaires ou oblongues telles des géométries foncées incertaines semble-t-il bordées de feu Les pas cadencés par le bruit des chaussures frôlent ou accrochent la terre et l’herbe dont les odeurs remplissent la nuit alors que celle-ci encore à son état d’enfance est douce comme une étoffe rassurante pénétrante et accompagne notre avancée zigzagante en file indienne Nous imaginons que les traces laissées derrière nous se résument à une poussière millénaire dans l’air bien vite saisie par un appareil photo tandis que nous surplombons des terres à l’écart d’un autre pont massif et bruyant à cette heure de la journée Dans une course l’ appareil qui nous frôle trésaille fait résonner en cascades son déclic : le rouge des phares des voitures sur le pont en hauteur se coule dans le béton tel un magma en fusion d’où jaillissent des formes métalliques liquides hébergeant des vides ou des silhouettes homogènes dangereusement anonymes et déconnectées parfois criardes alors que l’appareil glisse latéralement et retient en face de nous une distance trouble et mouvante entre lumières et ombres mêlées puis en de très fines spirales et lignes vacillantes -telles un tissu innervé ou un halo de bougie- et si pleines d’une vie bruissante presque extraterrestre dont nous ne faisons pas partie qui nous est dissimulée et prend des allures de vallées mystérieuses étrangères pour nous poseurs de sacs à terre de cabanes nous soudain architectes d’un sol de menhirs ressuscités imaginaires fantasmés
… ensuite des corps d’animaux ridiculement allongés se fondent dans les broussailles dont certains festons remplacent de vrais oreilles et museaux et pattes trop discrets enfin pas assez insistants probablement dans le langage des formes de la nuit induit par l’appareil photo qui sillonne vite à ras de terre établit des priorités au hasard pour finalement faire apparaitre une loi du plus fort (visible, surgissant) -très arbitraire- déformée travestie comme quand la nuit du photographe même faible même assortie de lumières aussi celles de l’appareil choisit dans un geste rapide de couver préserver au passage certains pelages ou plumes de les plonger sans préavis dans une obscurité de fait de train défilant les assimilant à des bouquets estompés de maquis par moments veinés d’or de feu ou de lait
….des chiens à la silhouette famélique montrent des yeux exorbités d’individus triomphants ou blessés au cœur de masses de fourrures et de feuillages en dégradés de bleu-gris et d’orangé Leur regard oblique traverse l’espace infusé du soir et du vertige de la journée ces derniers semblant tous deux y trouver (dans ce regard) un point d’exaltation de culmination paradoxale désespérée
… de semblables expressions de victoire et de blessure affublent les bouches lèvres des terres élargies ornées de lumières désagrégées au loin (leurs commissures) qui se laissent emporter dans des trainées de couleurs mélangées s’échappant vers des pays inconnus de nous alors que nous n’essayons pas de les extrapoler mais plutôt de nous laisser porter par eux dans leur invitation sans fin celle de nous y installer
…tandis que les tentes disposées à terre et avec elles notre communauté assoupie se fortifient ou s’effilochent sans cesse en des nuances se découpant contre un ciel qu’il est possible de distinguer en plusieurs strates le rapprochant parfois et de façon inattendue à un cocktail étagé un peu trop sophistiqué