Plage vide, minuscule, blanche, lignes horizontales devinées brouillées par le mouvement vertical, gouttelettes au ras de l’eau, masse compacte, subrepticement captée. De loin la plage gonfle et offre sa géométrie sans odeur. Le corps massif a déjà disparu. Un fragment de secondes, la queue de la baleine suspendue en l’air semble flotter et prête à s’élancer puis s’enfonce.
L’eau tourne autour du siphon et accélère, glisse, s’échappe. Le pied lui-même se liquéfie et tournoie, rose, sous la clarté du néon, contours informes dans le flash blanc. C’est donc ça l’amnésie ?
La forme d’une odeur, c’est quoi ? Elle est épicée et jaune comme un triangle. Elle a des contours opaques mais un centre lumineux. Elle sent le chaud au fond de la cuisine. C’est une crêpe, c’est une soupe, ça sent la vapeur et la faim.
Sous la mousse, il y a du sable et sous le sable de la tourbe, et la tourbe conserve en son ventre les traces de l’incendie. La forêt est noire. Les branches sont noires. Les arbres sont sans feuille. Les canadairs sont partis. Il n’y a plus de flamme, ni de fumée dit-on. L’incendie couve à l’intérieur.
Tu vois, ce sont des formes et puis des vibrations, non pas des phrases, comme une forme qui gonfle, inspire et expire, non pas des personnages mais des pulsations, non pas des lieux mais des lueurs. – Ha ? – Bah oui. – Alors on est bien emmerdé.
Codicille : il y a eu d'abord l'idée d'essayer d'avoir une idée, puis l'idée de regarder la plage depuis la queue d'une baleine, puis l'idée que ça n'avait pas grand chose à voir avec Claude Simon mais que c'était bien là des images que l'on ne voit pas, des photos inexistantes, dans l'idée c'était une idée après tout, puis j'ai eu dans l'idée que je manquais d'idées et j'ai cessé penser...
passage, mouvements, glissements, traces olfactives, choses invisibles et pressentes ouvrent ici de belles images questions
Merci Nathalie, les transformer en histoires à part entière serait une nouvelle étape
Prise. Touchée. les mots couvent aussi…
Merci.
Merci Perle ! Je m’en vais te lire de mon côté.
Bonjour Marion
Ta pensée en suspens nous offre des beaux textes-images pleins de correspondances avec les autres sens que la vue. C’est riche. Merci pour ça !
Merci Fil, une écriture qui renifle et qui rampe comme un nourrisson ou un lombric
Je viens relire et déposer un mot car depuis hier l’image de la queue de la baleine a surgi plusieurs fois dans ma tête, très belle idée !
Merci Muriel heureuse que cela t’ait marquée comme me marque également l’étrange atmosphère de tes textes
et les mots ont fait surgir les images…
les ont inventées
ce détachement aussi qui vient dans le dernier fragment avec les vibrations et la vibration qui nous conduit dans ta vision
Merci Françoise, oui en effet, une forme de détachement, comme un espace de résistance paradoxal.
c’est vraiment remarquable, la densité impressionnante des images prend au coeur, tout est dit pressuré en soi à travers l’image bue, grandes gorgées, au-delà du regard toutes les sensations fusent, les perspectives, les mouvements, agilité des lumières et profondeur de la tourbe, et « la forme de l’odeur »… comment expliquer :
c’est inoubliable
et d’avoir misé sur l’absence de pensée , cela en devient ingénieux !!
Merci Françoise de ta lecture enthousiaste, je suis plus réservée mais je prends volontiers.
D’abord l’image, tout au fond, le désir (quand on a arrêté de penser), et on voit bien les pas de vis et les tours d’écrou pour passer de l’un à l’autre, rallier l’impulsion qui donne du rythme (quelque chose comme ça). — Merci
Merci Will, C’est marrant ça, je me demande quels sont ces pas de vis et tours d’écrou que l’on observe, je ne les vois pas… Ce qui me fait penser qu’il est vraiment tant que je monte mes étagères pour avoir mes bouquins de poésie à proximité…