Homme. La quarantaine citadine. Homme tronc mais mouvant. Homme avançant vers moi.
Cadré sur la taille, entre le bas du torse et le haut des cuisses (on ne voit pas le visage). La chemise, le pantalon, la ceinture qui enserre, sa boucle métallique (imaginer le cliquetis lorsqu’elle se défait). La main peut-être. Elle tient une sacoche ou elle se balance le long du corps. La main vide, vierge de sa chair. La main qu’elle imagine sur sa peau, dans ses cheveux. Cadré plus serré à la quatrième prise de vue. Resserrée sur l’entrejambe. Plus flou alors. Ce flottement sur l’étoffe. Ce qui se dissimule dans le tissu, juste dessous.
Ce tissu que je pourrais effleurer. Que j’imagine toucher. Juste la paume, juste un doigt. J’imagine mais je ne touche pas. J’imagine ce que je pourrais dire à cet homme. Et cet autre. J’imagine mais je ne parle pas.
C’est seulement le regard. Et l’obturateur. L’œil au niveau de la braguette. L’œil frôle, dessine les contours. Il capture, emprisonne, numérise. L’objet de convoitise, dérobé. A la sauvette.
C’est dans les plis du pantalon.
C’est dans le geste de la main, dans le mouvement de la marche. C’est dans l’approche.
Celle de l’homme et celle du fantasme. Progressif. Obsessionnel.
Le flouté de l’intention à mesure que l’homme s’avance. Comme si non assumée, comme si cette petite culpabilité. Cette délicieuse culpabilité.
Je suis collectionneuse. Je suis une petite voleuse. Probablement lubrique.
J’accumule ces séries photographiques. C’est pur fétichisme de ma part. Personne n’en a jamais rien su. Je garde pour moi ce petit travers, cette vague perversion.
Inspiré par les séries d’Annette Messager « Le jeune homme à la sacoche », « L’homme au pull rayé », « L’homme de 45 ans », « L’homme aux manches retroussées«
Imagination, suggestion, vague perversion de l’oeil de la photographe tout en poésie érotique.. Merci Perle.
Merci à vous, la poésie oui, toujours dans l’oeil ou dans les mots…
Intéressante prise de risque.
La prise de risque est-elle dans l’écriture, le dévoilement ?
Et dire que mon texte vous avait donné faim… Que dire de l’effet du vôtre ! En tout cas, je suis fier d’avoir recueilli cette appréciation d’une spécialiste de l’écriture sensorielle, et pardon pour le terme que je trouve un peu lourd, sitôt l’avoir écrit…
Il y a ici beaucoup de belles écritures sensuelles/sensorielles je trouve. Mais merci.
J’aime beaucoup l’idée de la collection. Unité et pourtant progression. Merci.
C’est Annette Messager, la collectioneuse 😉
En écoutant la vidéo de François Bon, j’ai cru que cela allait être ce thème-là, avant qu’il ne bifurque vers une autre consigne…
aimantée – je me demande l’effet produit par un tel texte écrit du point de vue masculin – homme à homme ou homme à femme – maintenant on sait… – courageux en tout cas
Je ne pense pas que l’effet soit différent selon le genre, c’est le fétichisme photographique seulement dont il est en question ici.
Point de vue assez rare ou rarement exprimé, l’œil s’approche et le Je se dévoile, quelque chose de malicieux dans cette « délicieuse culpabilité »
C’est la culpabilité assumée voire revendiquée du « c’est bon la honte ».