1. rond-point. morne plaine citadine. tourne toujours dans le même sens. une passe un sens de rotation. se tisse l’intention de bifurquer mais où. ici n’est pas sortie mais renfoncement. une impasse donc. un buisson hirsute où tressaille une fourrure. ne sais si oreilles ou museau, ne sais si œil sous le poil dense. tous membres bruissent et disparaissent. reste l’empreinte floue et brune d’une fuite. la forme détallée d’un sourire.
2. crispation passagère. le cadrage triangule incertain. arrière-plan de l’enseigne. effet de clignement. Surbrillance. son néon sonne comme une promesse. un sacerdoce. vaut bien des sacrifices. plan américain du personnage. ne joue pas la comédie. cabas plein à ras-bord porté à bout de bras. front strié de rides. bouche tordue dans un râle qu’on n’entend pas. à hauteur de regard brûle la douleur. le poids du monde ou de la peine plus que celui des courses. passage bref. piétonnier. (se) laisser traverser. ça finira bien par passer.
3. l’œil détoure ce que l’appareil perce. met à jour. même la nuit. sillon des réverbères. leur voie de passage. à niveaux plus bas que terre. moins tribu que troupe. trois hommes s’ombrent. dans le jus noir pressé d’en découdre. on ne s’attarde. on trace. on terrasse nos peurs. quand même le pas s’accélère. le temps de rentrer. rien en transparence. rien ne se voit mieux que leurs regards noirs. même dans la nuit.
4. cloche-pied. quatre heures six sous. sortie d’école à contre-jour. à vif hors champs ça pétille. ça crie. ça rit. ça ne s’entendra pas sur la photo. seulement le mouvement. le bond au ciel. les sautillements aller-retour. la chaussure sans lacet. à velcro qu’on scratche pour l’attacher. ça non plus ne s’entendra pas. ni le son de la craie passée du tableau noir au trottoir. ce raccord de la main gauche. elle se redessine une terre (si seulement). le ciel est accessible facilement. j’actionne la fonction rafale. le jeu de la marelle reprend. tu préfères 1-2-3-soleil ?
5. à sec. presque. se pencher au-dessus. le parapet s’écaille. se fendille. à faire peur. précisément sous tes pieds. tu te dis que tu pourrais tomber. pourtant tu te penches. c’est un jeu. peut-être stupide. l’orteil se cramponne. membres sans tremblement. sinon intérieur. muscles bandés à l’extrême. par où se tenir sinon au vide. de dos tu sembles un arbre. encore stable encore ancré. de dos l’inquiétude ne se voit pas. ni la tentation grande de glisser. ni ce besoin de tomber. non de dos seule la volonté tenace. seule la solidité se voit.
bien comme la numérotation donne l’élan et contribue à l’effet de cadre !
En phase surtout avec ce style haché (détaché), lapidaire et froid.
Je n’ai pas vu l’élan mais c’est un point de vue intéressant.
Bonjour Perle
Beaucoup de style pour ces cadrages en butte avec le réel qui échappe, qui se tord.
Merci !
Il est bien là le réel (y compris dans la fiction puisque ce n’est que ça) mais déformé, oui.
exactement ça : la photo et la prise de vue en quelques lignes et oui ça avance
un genre de crescendo dans les vies croisées..
bien apprécié l’acuité dans l’observation et l’écriture. et super belles les résonances entre ces textes, partir d’un rond point morne et ordonné pour atteindre un parapet branlant (un peu métaphysique) en passant par la souffrance, la peur, le jeu
C’est ça, un condensé d’humanité et de ses émotions.
Beaux instantanés, variété de situations mais unité du style, du regard, très réussi
Merci
A la lecture le 1 se détache particulièrement, comme au ras du sol, très primaire, ceux qui suivent étant bcp plus élaborés.
Oui, il y a un crescendo. Et puis le premier est animal, on remonte ensuite vers l’humain.
lapidaire et froid sans doute mais tellement intéressant avec ces petits bouts avec points sans majuscule et « l’effet-cadre » avec les chiffres en tête de fragment…
du coup on glisse très bien dans ta forme et on lit et une multitude d’images nous viennent et nous restent dans la tête et sautillent…
pour moi le cloche-pied a pris le dessus, je le ressens encore plusieurs minutes après la lecture
C’est l’image que j’ai choisie pour illustrer l’ensemble.
https://perlevallens.wordpress.com/2022/10/15/5-fois-3-points-photofictions-6/
4 et 5 !!! Une foulée qui nous emmène. Les « ratés » (ruptures, points, scanssions et accélérations) font vrai mouvement dans le rectangle-texte. Recherche sincère, merci.
Merci, oui l’oeil fictif voit sincèrement.