Ce dont je suis témoin :
un couple d’amoureux se lève, ils restent debout près de table, ils s’embrassent à pleine bouche, se caressent et partent chacun de leur côté | Je m’assois à cette table| derrière moi une femme se racle la gorge très fort, à deux reprises | bruit de tasse sur la soucoupe | bruit de talons qui claquent, une personne pressée (agitée, énervée) traverse la rue juste devant moi | de l’autre côté j’entends : « allez salut, à jeudi Patricia », elle part avec son caddie rempli | de l’autre côté j’entends « bientôt on va devoir parler Russe » | à la table à côté j’entends « qu’est ce qu’il fait beau aujourd’hui, c’est maillot de bain party à Rampal-plage » | le serveur replace les chaises autour de la table, les pieds frottent bruyamment le sol | bruit de pas qui approchent derrière moi| Un véhicule utilitaire se range sur une place trop petite, il monte sur le trottoir, bruit de frottement de pneu écrasé | un homme d’environ 35 ans passe discrètement sur le trottoir juste devant moi, il tire une valise qui semble légère, il sonne à l’interphone du 14 rue Rampal, il attend, personne ne répond, il attend, il fait demi tour, il s’en va | celle qui se raclait la gorge est maintenant au téléphone, elle rigole à gorge déployée | Le serveur débarrasse la table derrière moi (bruits de tasse, de soucoupe, de cuillère) et d’un geste ample, il passe la lavette sur toute la circonférence de la table bistrot | juste devant le véhicule utilitaire (mal garé), une voiture de marque Mercedes (bien garée) démarre, un nuage de fumée blanche sort de l’échappement| une femme âgée de 60 ans traverse sur le passage piéton, elle est habillée d’un survêtement blanc, un pull rouge et sur les épaules un autre pull blanc posé comme un châle, elle porte un bonnet en laine rouge avec sur le haut de la tête deux petites oreilles tricotées|
Ce que j’éprouve:
Super, une table se libère, rapidement je m’y installe, face au soleil, le pied| La puissance du bruit de gorge de la femme derrière moi, me parait indécent comme si elle ouvrait en grand son chemisier et détachait son soutien à gorge, en pleine rue | cette manie de se racler la gorge bruyamment me rappelle mon père qui sans gêne se livrait à ces borborygmes buccaux| j’avoue m’être surprise l’autre jour, seule chez moi, à ouvrir la bouche, me racler la gorge bruyamment et jouir de cette sensation | malaise, honte| j’enlève ma veste bleue turquoise, il fait chaud, comme c’est bon, je ferme les yeux, je profite simplement de cette caresse du soleil, chez moi il fait tellement froid| je me laisse bercer par les bruits et les conversations alentours| j’entends des raclements de pieds de chaise sur le sol, eh bien je trouve cela moins indécent que les raclements de gorge, peut-être parce que je les associe à une action positive de rangement, remise en ordre| Oh lala qu’est qu’il est nul celui là, à rater son créneau, il monte sur le trottoir, non mais je rêve, il y a pourtant de la place, moi en 3 manœuvres je te l’aurais rentrée cette camionnette| je suis triste de voir cet homme rester à la porte, sonner, attendre, sonner, regarder la façade, repartir seul en trainant sa valise| Mercedes, la qualité allemande? à d’autres ! Toute cette fumée, elle pique les yeux, ça pue, j’arrête de respirer, je ne veux pas avaler cet air pollué, je crains le mal de tête, va t’en, casse toi pollueur !! | Élégant ce look rouge et banc mais ridicule les petits oreilles sur le bonnet, j’aime pas du tout!
j’aime beaucoup ton dispositif dehors/dedans et tes passages récurrents par le café: tes captations mentales… (sur le raclement de gorge tout à fait d’accord horriblement désagréable dehors et jouissif dedans)
Beaucoup aimé ces deux points de vue. Et dans le premier tant de débuts d’histoires…
Merci Cécile
oui ça racle fort, instants si bien saisis!