Et est-ce qu’une cannette parmi cent peut déterminer sa présence ? A partir de cette phrase, il n’y aura plus rien qu’un grand silence, des gros plans sur le visage de tous ceux, présents, qui se taisent. Un gros plan sur le visage de la mère. Un gros plan sur son visage. Un gros plan sur le visage de la femme avec ses lunettes et sa robe noire. Un gros plan sur le visage de l’homme dont on ne voit que les yeux. Un gros plan sur le visage de celle derrière son écran et son clavier. Un gros plan sur le visage blanc, jeune, avec ses cheveux trop épais et bien rangé derrière les oreilles, avec sa petite moustache qui n’est pas du tout de maintenant, une moustache d’un autre temps.
Écran noir
Après il y aurait eu la recherche de la cannette. La caméra aurait poussé le portail, il n’y aurait pas eu de voix. Du silence, du silence pour ceux qui sont passé par ici, avant. Un gros plan sur une canette de soda, même sans les couleurs on sait qu’elle est rouge et que les écritures sont en noir, une autre que l’on sait être noire striée de vert, encore une autre pliée en son centre, son corps d’alu tout tordu, une autre avec sa béance creuse, sa carapace éventrée, une encore, toute droite et belle, qu’on dirait tout juste achetée.
Écran noir
On revient dans la salle aux bancs froid. Ils sont de nouveaux tous là. Peut être chacun à une réponse à formuler, pour la question de la canette. Gros plans sur les visages. Ils répondent dans leurs têtes. On ne les entends pas. La mère se dit peut-être qu’est-ce que je fais là. Celle qui a posé la question se félicite de l’avoir fait, et comme ça, surtout de cette manière -là. Celle qui doit décider se dit qu’elle ne sait plus vraiment, maintenant qu’on a demandé ça, elle n’avait jamais soulevé le problème de cette façon. L’autre mère pense dans une langue que l’on ne comprend pas. Celle derrière l’écran et le clavier se dit si on pouvait activer un peu, alors on pourrait sortir de là et aller manger. Lui, c’est le seul qui sait répondre à la question. Mais il garde ça pour lui.