#photofictions #05 | décors Catalans (chantier)

(…)
Elle tenait plusieurs journaux à la fois: un cahier jaune poussin format A5, un fichier intitulé « MOI », un fichier intitulé « écriture », un autre intitulé « pensées désordre » sur l’application Evernote, un autre intitulé « VRAC à ranger » sur l’application Notes (les deux applications étaient synchrones dans son ordinateur et dans son téléphone), un cahier dédié à ses rêves, un autre aux listes de choses à faire. Elle avait presque abandonné l’idée de donner une fonction à ces supports, puisque dans chacun, il y avait un peu de tout. Heureusement pour les enquêteurs, elle datait toutes ses notes.

Ce jour-là, dans le cahier jaune poussin, elle avait écrit :

Dimanche 5 mai
Aller à la plage des Catalans un dimanche, filmer les corps, les pieds dans le sable, les pieds qui se frôlent, les petits pieds, les grands pieds, les cuisses mouillées, les rotations des bassins, les lunettes de soleil qui reflètent l’eau le Frioul

les nez
Se demander pourquoi elle s’appelle plage des Catalans, retrouver l’histoire de cette plage,
On remonterait l’objectif mais pas trop vite, ou alors c’est ça le départ, la plage toute petite et fermée
en contrebas comme un théâtre, la promenade au dessus
Filmer depuis l’eau?

Un homme [sort] de l’eau lève la tête
Visages alignés sur la terrasse, bruit des voitures, passages de voitures, embouteillage, têtes qui se regardent
Quatre lignes : la terrasse, la promenade, plongée, la plage, la mer, les têtes qui émergent jusque loin, petites boules noires en contre jour
Le bord de la plage, juste en dessous de la promenade est réservé aux joueurs de beach Volley

Ce serait presque plat comme un écran de téléphone, comme des calques qu’on empile: cinq lignes : terrasse, promenade, (plongée vers) plage, eau de la mer, soleil
Peut-être six lignes! Derrière la terrasse, l’immeuble, les fenêtres et les gens derrière les fenêtres.

trouver enquête: fatras de corps, chairs qui se donnent à l’eau, au soleil, à la vue

Penser à appeler S.

Temps d’une journée. Depuis l’aube, les rats qui s’ébrouent sur le sable. Jusqu’à la fin du jour, quand les téléphones sortent des poches à l’heure où le soleil, en face, décline

quelque chose d’inachevé dans cette plage

Dans son journal « MOI » sur Evernote, le même jour, à 22h43, elle écrivait :

J’aurais pu aller à la plage aujourd’hui. Pas eu le courage. Eu S. au téléphone.

A propos de Lisa DIEZ

Chercheuse polyvalente, sorte d'artiste tout-terrain. Valises posées depuis 5 ans dans les arts de la scène. Passages par la peinture, le documentaire, la photo… Et l’écriture, soutien fidèle de ces nombreuses traversées. Deux sites : www.soinartistique.fr (Collectif À la Source) et www.atelierdiez.com (vrac et chantiers).