C’est l’algorithme de la plateforme qui t’a propulsé dans le fil de mes recommandations. Toi, dans plusieurs vidéos sur la chaîne d’un de ses jeunes youtubeurs, aventuriers reporters qui se sont faits un nom, une popularité sur les réseaux sociaux en se risquant avec leurs appareils photos/caméras sur les points chauds de l’actualité. On ne sait pas grand-chose de celui qui se filme en t’interrogeant. Il ne met en avant aucune expérience professionnelle dans un grand média, juste le nombre toujours en hausse de ses abonnés. Il invite d’ailleurs son public à cliquer sur le pouce bleu et à s’abonner, si ce n’est pas déjà fait. Dans ce qu’il présente comme un reportage, il annonce qu’il va te suivre toi, un jeune volontaire français qui part pour l’Ukraine. La première séquence a été filmée à la frontière polonaise, en lisière d’un bois gris avec, en fond d’image, une route encombrée où passent des piétons, des voitures, des bus, des camions recouverts de saletés et lourdement chargés. Vous êtes tous les deux face caméra, lui doudoune et barbe de trois jours, toi, tenue de civil et visage masqué par écharpe et lunettes de soleil. Pendant une dizaine de minutes, tu expliques les raisons de ton engagement. Le youtubeur te relance en reprenant certains de tes propos. La séquence se conclut par l’inventaire de tes deux sacs. Dans la deuxième vidéo – un peu plus longue –, vous êtes toujours dans un bois, mais quelques semaines plus tard. La végétation est plus verte, plus dense. Le youtubeur est vêtu d’un casque lourd bleu marine et d’un gilet pare-balles/pare-éclats noir avec, inscrit devant et derrière, en grandes lettres blanches : PRESS. Il précise que vous vous rencontrez cette fois côté ukrainien, à l’ouest du pays, pendant ta première permission. Le youtubeur te demande de bien nous montrer l’écusson de ton unité ; l’autofocus se cale. Ensuite, il souhaite que tu nous expliques ce qui t’est arrivé depuis votre première vidéo. Tu ne portes plus lunettes ni écharpe, mais un tour de cou vert armée remonté jusque sous les yeux. Tu racontes ta formation militaire, tes camarades, ton départ prochain pour le front, l’inquiétude de ta famille et non, tu ne regrettes rien. Rien. Le youtubeur te remercie et te dit à bientôt. La séquence se termine. Tu nous tournes le dos et ton uniforme camouflage disparaît entre les arbres. Dans la troisième vidéo – très courte –, je retrouve le youtubeur, sans toi. Sa barbe a poussé. Il se tient face caméra avec ses protections, à la lisière d’un bois. Il désigne la plaine qui s’étend au loin : ici, c’est la guerre. On distingue les échos d’un bombardement. Les branchages s’agitent au-dessus et derrière lui. Il sursaute, se retourne. Quelque chose est tombé. Il s’éloigne un peu et se baisse : c’est une main.
Waouh ! je ne sais que dire.
eh ben…