Un lourd rideau gris et uni, doublé de rouge, voile et dévoile au gré de l’ouverture de la fenêtre, un deuxième rideau à motifs plus léger, se laissant chahuter, par jour de grand vent, dérisoire bannière d’un pays utopique, qui bat au dessus du toit pointu de la maison jaune du voisin, qu’une clôture de même coloris, abrite des regards de la rue, mais pas ceux jetés depuis le balcon de ce théâtre privé. Ce décor en monochrome ne laisse jamais entrevoir des scènes de vie qui se déroule sous ma fenêtre, car tout se passe à côté, sur les bords, sur les marges, en hors-champ. Si je veux voir, je dois me pencher par dessus la balustrade de la fenêtre…Mais ça ne fait pas très discret. Après tout, au théâtre, comme au cinéma d’ailleurs, nous sommes dans la situation du « voyeur » bien installé dans le noir, jouissant du spectacle qui se joue sous nos yeux. Placé comme je suis, je ne peux même pas rejouer la scène du film d’Hitchcock, « Fenêtre sur cour » car aucune fenêtre ou porte, ne donne directement sur la mienne. Je ne peux qu’entendre les bruits et les raclements de pieds de mes voisins; je les imagine réunis en famille ou entre amis, surveillant sans cesse les jeux des enfants; ou encore, je les devine partant de chez eux, pour y accomplir un labeur routinier, mais nécessaire, De temps en temps, je saisis au vol quelques mots à peine ébauchés que j’essaie de reconstituer dans le flot de la conversation en cours, dont on ne connaîtra jamais le sens, ni la fin. Quand ce rideau est tiré, surtout en été, des odeurs de barbecue, ou d’herbes fraîchement coupées, stimulent des sensations bien concrètes que notre imagination peine parfois à nous restituer fidèlement : catharsis de sens et de sensations, tel pourrait être mon théâtre hors scène, Fermeture de la fenêtre, fin du spectacle Le deuxième rideau n’est pas la doublure du précédent. Il a sa propre existence qui n’est pas d’occulter une fenêtre. Il est placé à environ deux mêtres en retrait. Il délimite une pièce palière d’où montent les bruits de ma propre demeure. Quelquefois, le dehors et l’intérieur- le privé et le public se mélangent et se confondent entre les deux rideaux. Ce que j’entends de mon voisin est l’écho de ce qu’il peut percevoir de chez moi. Les mêmes bruits, les mêmes discussions banales. Quand ce deuxième rideau est tiré, il étouffe ce qui vient du dehors, mais laisse échapper sans filtre, ce qui vient de dedans. Seul le double-vitrage de la fenêtre peut empêcher la fuite de mes indiscrétions, surtout lorsque les marches craquantes de l’escalier trahissent ma présence sur ce palier-balcon de théâtre improvisé. Vais-je tirer le rideau de la fenêtre immédiatement ou regarder un peu dehors et peut-être un trop en bas? J’apercevrai, comme d’habitude, une partie de ce gazon terne, piétiné par les occupants de la maison jaune, que je connais juste par ouî-dire
Belle composition de l’imaginaire, l’image qui se trouve derrière le rideau. Belle idée. Bravo.
merci pour votre commentaire
entre-ouvre le rieau s’il te plaît.
Entrer franchement et ouvrir largement ou entrouvir en esquissant un bâillement…merci pour le commentaire
me suis glissée entre les deux rideaux, espace entre le dedans et le dehors, comme la possibilité de choisir le degré d’indiscrétion ou de perception des choses désiré à chaque instant de la vie réelle
j’aime bien les inscriptions de date et de nom sur la photo
on sent le présent, l’intime aussi…
merci pour le commentaire