Sur la laisse de la mer, là où je marche quand les regards ont disparu, quand la plage est déserte, mon corps déformé aux ongles peints, la tresse savante de mes cheveux, rien qui me séparent des débris délaissés, des abandonnés là — rien qu’une étrange étrangère marchant entre le bas et le haut de l’estran, donna niée dans un lit de posidonies, vulve privée de vie compagne de méduses échouées, blonde factice avec un téléphone de couleur rose dans la main droite, voisine incongrue de bois flotté, d’algues arrachées, de mégots, de mues de crustacés, de galettes de pétrole, de nanoplastiques — macro-déchet en marche muni d’un smartphone qui ne sonnera plus : mon mari est un ex sans divorce, un passionné narcissique, un créateur hyperactif, un photographe voyageur, un vidéaste en fuite, pas de vivant sur son compte Instagram, il ne cadre que ce qui est passé, sans plus d’usage, rouillé, en friche, rongé, hors le temps. Peut être que si j’étais morte là quand nous y étions j’aurai à présent une place dans les archives de ses cartes mémoire, entre un os de seiche et un bois mort.
Et mourir pour faire image? ( donna Elvira des bois flottés avec portable rose ) cette étrangère du rivage qui cherche son reflet dans les rebuts de mer. L’abandonnée. Son portrait sans image touche. Merci Ugo
oublié que je cherchais comment faire… pas d’importance
juste l’important c’est la poésie profonde de ce texte
oui sa poésie !
Oh merci Nathalie, merci Brigitte de vos passages. Vous savez combien pour moi comptent vos regards, vos yeux, vos écritures. Mercis pluriels et immenses.
Très belle évocation de l’abandonnée. Pas besoin d’image, on la voit, on l’a vue dans la vie, dans des films, et l’image sest là.
Merci Danièle. Peut être entrevue en effet lors d’une image qui n’a pas pu être faite.
je suis revenu trois ou quatre fois sur ton texte parce qu’il est (aussi) difficile d’y entrer – mais vraiment cette poésie : quelque chose de parfait dans sa concision – personnel j’ai le sentiment – une espèce de réminiscence – ou faire parler la prise de vue (un peu comme toujours) qui prend sans jamais donner – côtoyer la disparition – bravo…
force de ce texte qui donne à voir un corps qui erre dans un décor de laisse de mer hantée par les déchets
je ressens une désespérance et une solitude immense
« peut être que si j’étais morte » laisse champ ouvert
beaucoup aimé l’usage du je et la brièveté qui secoue…
merci Ugo
Merci Danièle, Piero, Françoise de passer par là.
Ce personnage dévoilé dans ce texte si poétique, le thème de l’abandon et comme tout y fait écho. Ce serait un beau début. Merci, Ugo, et aussi pour la photo qui m’a empêchée de quitter. Pas déçue d’avoir cédé à son appel.