Dans la rue, il n’y a personne. Cuisiner. Attendre la nuit. Les réverbères éteints. C’est un beau mot : réverbère. Sous la langue le goût du métal, sous les doigts le toucher d’une assiette en fer blanc. Se sont multipliés ces dix dernières années… attroupements dans d’anciennes rues passantes… attirés par l’odeur, la vibration des foules disparues… C’est beau réverbère. Dans la rue, les réverbères éteints. Actionner le flash. Le métal, passivement, réfléchit la lumière. Sur l’écran, une grande tâche blanche.
Descendre le long de l’allée arborée. Dans la nuit moite, le bruissement du cours d’eau, ça et là les reflets d’argent, le rayon de lune à travers les frondaisons. se regroupent en meute… passés maître dans l’art du camouflage… dès lors, les échanges thermiques se font mal entre la peau et l’air, ils... Sous la langue le goût de métal. Ondulent au ras du sol, des phosphorescences bleutées. Aller dans la rue, il n’y a personne, brandir le téléphone, actionner le flash. Sur l’écran : le visage.
Il n’y a personne. Marcher. Déambuler. Dans le tintamarre absent de la ville éteinte. Tendre l’oreille. Le claquement pressé des talons. Actionner le flash. Une silhouette. Se protègent de la chaleur… un pelage dense et sombre… Certains spécimens… la nuit quand le temps est frais.
Une nuit de poix. Le bruissement du cours d’eau. Se guider au son. Sous les frondaisons invisibles, les branches entortillées et denses compriment l’air faisant l’effet d’une chape. Le craquement d’une brindille. Actionner le flash. Le museau. Il n’y a personne. Sur la peau, le glissement soyeux, la pression rêche des coussinets. L’épiderme élastique cède sous la griffe. Le flash : le poitrail. Il n’y a personne. Des phénomènes de concurrence intra-espèces… déserter certains centres peuplés… des quartiers entiers… Le lambeau se détache. Sous la langue le goût du fer. S’éloigner du cours d’eau. Le digicode, l’escalier. Dans la douche, le jet d’eau froide. La fenêtre fermée.
Déposer sur la tablette, le téléphone déchargé. Il n’y a personne.
Avenue Camus. Plein jour. Tracé rectiligne. Bordée de part et d'autres par des arbres chargés de fleurs. Rue déserte. Quartier cossu. Les pétales recouvrent la chaussée, décollent, tournoient tels des pollens. A quelques mètres, la Chézine s'écoule en un filet ténu. Autrefois les bicyclettes, légères, le long de l'artère. La rue est écrasée sous la pesanteur envahissante des fleurs. La journée s'étire dans le chaud silence.
Codicille : j'ai simplement transformé mon parcours de confinement en voyage sordide dans un monde post-apocalyptique.
Bonjour Marion
Quel beau texte ! Tout s’entremêle poétiquement avec beaucoup de talent.
J’ai été pris de bout en bout.
Merci beaucoup pour ce très agréable moment de lecture !
Merci Fil, j’espère que ça fait un peu peur.