Tu descends dans la cuisine et prépares du café. Tu écoutes les informations à la radio en respirant l’odeur du liquide noir, la météo, le tirage du loto. Tu laves la tasse avant de partir. Tu sors la voiture du garage plus tôt ce matin, tu as une course à faire avant d’aller au bureau.
Son cul ! Son cul blanc et doux ! Son cul large et prêt à t’accueillir ! Son cul, tu le vois trembler de désir à ton approche ! Encore une journée de merde, alors qu’elle commence au moins avec son cul !
Tu déambules dans l’obscurité de l’appartement, tu ne lèves pas les persiennes, tu ne veux pas regarder dehors. Tu ne voudrais pas la voir. Tu n’ouvres à personne, qu’à ta fille qui emmène quelques courses le soir venu. Tu n’écoutes pas ses phrases trop longues, tu es fatigué, tu regardes la télévision. La journée, tu travailles, c’est tout ce qui reste. Et ça a toujours été là.
Tu conduis, le regard fixe sur la route. Tu avales du bitume. Tu viens de déposer ton gosse à la crèche. Il a pleuré ce matin, il s’est agrippé à tes jambes. Tu as dû l’en arracher, tu as pris du retard. C’est tout droit heureusement. Tu fais le trajet de mémoire, tes yeux mouillés t’empêchent de bien voir.
Cela faisait déjà longtemps que tu ne dormais plus. Tu écoutais la respiration d’à côté, l’abandon dans les rêves. Parfois un bras qui se soulève, on corps qui se retourne. Tu bailles plusieurs fois, mais tu ne veux pas la réveiller. Tu attends l’aube pour te lever.
Un mail de la direction. C’est la première chose que tu lis au réveil. Tu es encore dans ton lit, remontes un coussin sous ta tête, tes yeux s’habituent à la lumière et ton regard est figé sur les mails qui sont entrés dans ta boîte pendant la nuit. De nouveaux coûts à absorber, tu ne sais pas si tu pourras maintenir l’équipe dans son intégralité. Et puis cette idée de délocalisation, tu es étonné qu’elle n’arrive que maintenant.
Pas beaucoup de raison de se lever ce matin, mais tu détestes rester au lit. Tu as l’impression de manquer quelque chose si tu n’es pas en mouvement. Ta vie de retraité ne va pas rimer avec laisser-aller. Il y a toujours quelque chose à faire, un rendez-vous médical ou une visite à la coopérative. Le petit-déjeuner avalé sur le pas de la porte, tu démarres quelques minutes après.
Au premier plan, la route : le bitume sombre et grumeleux, la chaussée enfoncée, des bris de verre qui brillent sur le goudron. Au loin le ciel, d’un bleu limpide sur le vert naïf d’une haie. Deux véhicules, l’un encastré dans l’autre ; la forme de l’un dans le ventre de l’autre. La tôle froissée, comme criblée de balles, la marque de l’un dans l’autre. Une trace qui laisse imaginer la violence du choc, la claque. Un coup franc bref, bruyant et surprenant comme une claque. Une pénétration qui a laissé des traces: l’avant du fourgon blanc est enfoncé, les vitres éclatées; l’air bag est gonflé à bloc, on dirait un ballon qui s’est trompé de fête. La partie latérale du véhicule vert est détruite, les vitres éclatées, un tissu rouge s’échappe par la fenêtre. Hors champs, un troisième véhicule balancé dans le vide après plusieurs tonneaux ; précipité dans la mort dans un grand bruit de métal broyé, la poussière et les bris de verre. Le silence après les crissements et le choc, seul un chuintement minuscule qui persiste ; une odeur de brûlé et l’attente. Rien ne bouge. Sauf la fumée qui se dégage des capots et s’envole vers le ciel.
les trois dimensions, j’aime encore assez – le côté libidinale sodomite moins (ça m’a fait penser au film de Claire Denis (que je ne recommande point cependant – mais ça OSEF) – je ne sais pas quoi, mais il y a quelque chose avec Guyancourt, la « mode » des suicides tout ce truc abominable qui se retrouve dans ces tôles froissées… le travail, en vrai…